[En cours de rédaction].
Quelques morceaux choisis d'auteurs,
ou Gascons d'origine,
ou qui ont chanté les Pyrénées

"Le poème, cette hésitation prolongée
entre le son et le sens."
Paul Valéry 

Remarques préalables.

1. Le patois.
Les textes écrits en langue locale sont reproduits tels quels. Certains lecteurs ne reconnaîtront pas toujours leur patois. En effet, ceux-ci sont multiples et diffèrent plus ou moins d'un village à l'autre. Les félibres animés par Frédéric Mistral popularisent la langue d'oc dans le midi plutôt provençal sans trop s'imposer dans notre Bigorre. Mais de nombreux poètes du grand sud-ouest cités ci-après s'expriment dans cette langue ou dans leur langue.

2. Les Pyrénées.
Comme les montagnes Pyrénées étaient redoutées, peu fréquentées, si ce n'est que par quelques scientifiques audacieux et peu connus, la littérature à leur sujet est quasi inexistante jusqu'au début du XIXe siècle. C'est l'époque où se développent les stations thermales, ce qui entraîne un tourisme montagnard. Les promeneurs d'alors désireux de faire partager leurs découvertes se mettent à décrire la montagne sans être pour autant des écrivains comme par exemple : Ramond de Carbonnières, Azaïs, Jean-Joseph Etienne de Jouy, Cervini, etc. D'autres auteurs, eux fort connus, comme Victor Hugo, Hippolyte Taine, Vigny, Baudelaire, George Sand sont enthousiastes des Pyrénées et les décrivent avec leur talent. Les apparitions de Lourdes intéressent Zola et Huysmans; Francis Jammes, Lautréamont et Laforgue ont des parents bigourdans; Laurent Tailhade est l'enfant terrible : Paul Guth est amoureux du piémont. Autant de noms prestigieux de notre littérature.

3. Les ressuscités.
Mais à côté d'eux, dans l'ombre, des poètes bien de chez nous se font connaître vers 1900. Souvent oubliés maintenant, je m'efforce d'en ressusciter certains, vous demandant quelquefois de l'indulgence à leur égard, mais ils sont Bigourdans ou Gascons. Alors...



Pascal Abadie (1856-1932)

Emmanuel Auréjac ()
Bucolique
Le soleil par delà les monts tombe : c'est l'heure
Où l'ombre et le silence ont gagné des guérets,
Où la brise, plus fraîche, échange des secrets
Avec les fins rameaux que son haleine effleure.

Où, lasse des ardeurs du jour, la plante fleure,
Exhalant son subtil arôme à plein coffret,
Où le fermier vanne son grain, siffle un couplet
Et tire les bestiaux captifs de leur demeure.

La jeune lune au ciel esquisse son croissant,
Et, tandis que la paix en mon âme descend,
L'œil mi-clos, comme il sied aux douces rêveries,

Je contemple les bœufs au placide regard
Tondre nonchalamment le velours des prairies
Près du chien attentif à leurs moindres écarts.

Decius Magnus Ausone (310-395)
[Ausone naquit à Bordeaux, il fut un brillant professeur d'éloquence puis eut une vie publique comme Questeur (haut magistrat assistant les Consuls en matière financière et criminelle), Préfet du prétoire (magistrat à la tête d'un département de la Gaule Romaine), Consul des Gaules à Trèves (magistrat exerçant l'autorité suprême dans un pays de la République Romaine), enfin écrivit de nombreuses poésies, épigrammes, églogues, idylles. Il appelait Toulouse "Tolosa turrita". La ville ornée de tours.]

Je ne t'oublierai point, Toulouse éducatrice,
Ni tes remparts de brique à l'immense contour,
Ni le fleuve qui bat tes flancs d'une eau rapide;
Antique rendez-vous de peuples innombrables,
Les neiges de Pyrène et les pins Cévenols,
font descendre chez toi l'Aquitain et l'Ibère.

Charles Baudelaire (1821-1867)
Incompatibilité 1838
Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence,
Le silence qui fait qu'on voudrait se sauver,
Le silence éternel de la montagne immense,
Où tout est immobile et tout semble rêver.

On dirait que le ciel, en cette solitude,
Se contemple dans l'ombre et que ces monts, là-bas,
Écoutent, recueillis, dans leur grave attitude,
Un mystère divin que l'homme n'entend pas.

Albert Bazouin ()
Les fleurs
Les fleurs ont des parfums où s'exhale leur âme :
Le lis a la fraîcheur des baisers ingénus,
La rose, le velours des caresses de femme,
La tulipe, l'orgueil d'une amante aux bras nus.

Rieuses au solei1 ou graves dans leurs poses,
Courtisanes des près, recluses les forêts,
Sur les monts, dans la plaine et les jardins écloses,
Les fleurs ont des destins orgueilleux ou secrets.

Elles ouvrent au jour leurs changeantes corolles,
S'endorment dans le calme ou l'éclat d'un beau soir,
Pour goûter, sous le vent qui caresse, frivoles,
Le charme des instants qu'on ne doit plus revoir.

L'insensible déclin au néant ]es replonge,
Mais qu'importent le nombre et la longueur des jours ?
Quand la beauté n'est plus que le regret d'un songe,
Qu'importe le fardeau des ans tristes et lourds ?

Jacques Boé, dit Jasmin (1799-1864)
[Ce poète Gascon était perruquier. Le romancier Charles Nodier disait de Jasmin : " C'est un Lamartine, un Victor Hugo, un Béranger Gascon ". Lamartine l'a appelé, à mon sens avec quelque exagération, : " Le plus vrai et le plus grand poète de tous les temps ". Voici l'appréciation de Sainte-Beuve : " ...seul Jasmin a réalisé le rêve de tous les grands poètes romantiques, Lamartine et Hugo compris, à savoir, créer des épopées capables d'enflammer des auditoires populaires entiers ! ". Xavier de Castelbajac (Propos Gascons, Jasmin. Éd.: G. Gournouilhou à Bordeaux, 1898), très enthousiaste, est moins excessif : "Ses contes ont la grâce simple des premiers poèmes de Musset... Dans son Charivari, il fait craquer le convenu de Boileau ; dans sa vigne, il approche la bonhomie d'Horace. Les gouttes d'eau de ces infiltrations ne forment pas mélange et ne dénaturent pas la liqueur. Jasmin est surtout lui..."]. Robert Sabatier écrit à son sujet dans son "Histoire de la Poésie Française" : " Sa sensibilité romantique plaisait et il répondait à un de ces engouements parisiens qui durent peu. Il n'empêche que la gloire l'accompagna la vie durant, qu'il parcourut les villes occitanes en récitant ses poèmes, versant les sommes recueillies à des œuvres de charité ".]
[Traduction en vers (!) faite par M. J. Duclos, professeur émérite. Les auteurs s'accordent à dire que la traduction du gascon en français est difficile, ce qui expliquerait en partie la longueur du texte français. Source : L'indicateur des Hautes-Pyrénées, 1856, par Abadie, de Sarrancolin.]

Tarbes
Poulido reyno bigourdano
Tu qué pourtan un froun rizen,
T'assétères al miey dé ta frésquéte plâno,
Per alanda sans fi toun gran pourtal luzen,
A riche et paouro carabâno
Qué bènon, quatre més, bioure à tous rocs d'argen.
...
De la Bigorre, aimable reine,
Un beau matin de l'ancien temps,
Tu t'assis au milieu de ta riante plaine,
Que l'Adour rafraîchit de ses flots bienfaisants :
Depuis ce jour, quatre mois tous les ans,
À la richesse, à l'indigence,
Ouvrant tes portails enchantés,
Tu reçois, le cœur plein d'amour, de bienveillance,
Tous ces peuple nombreux, qui des bouts de la France
Viennent voir tes grands rocs, par la neige argentés.
...


Jacques Bompard ()
Fin de jour
Le déclin de ce jour s'est prolongé longtemps
Là-bas à l'horizon derrière la rivière,
Dans la masse des bois où filtrait la lumière
Des mauves adoucis et des ors éclatants.

Des songes s'éveillaient magnifiques et tendres,
Évoquant la splendeur de la pourpre des rois,
Ou disant lentement le charme et les effrois
De l'heure où l'on est seul à remuer des cendres.

Dans l'eau se balançaient, fantastiques, des fleurs.
Une écharpe traînait mi-voilée et mi-claire.
Un parfum mélangé de thym et de fougère
Venait de la forêt où jouaient des lueurs.
...

Adolphine Bonnet ()
Soir de pluie
Merci, mon Dieu ! fraîches et lentes,
Voici tomber les gouttes d'eau :
Dilatez-vous, mes sœurs les plantes,
Chante et bois, mon frère l'oiseau.

Dans votre humide et blanc réseau,
Étouffez, ô larmes dolentes,
ce vent aux notes violentes
Qui m'ébranlait comme un roseau.

Ô pluie, ô divine poussière,
Qui, loin d'aveugler la paupière,
Repose l'esprit et les yeux.

Dans l'espace, tu purifies :
Quoi d'étonnant ?... Tu viens des cieux.

Jean Bourdette (1818-1911)
Professeur, auteur des Annales du Lavedan

Miqueu Camélat (1871-1962)

Robert Case (1853-1986)

Robert Castagnon
Il est l'auteur de Gloires de Gascogne, éd. Loubatière.
C'est en partie dans ce livre qu'ont été puisés des extraits relatant la vie tumultueuse de Jean V d'Armagnac. Voir "Retour aux sources", Un vrai feuilleton.

François-René de Chateaubriand (1768-1848)

Marguerite Cléry
Le cœur secret des monts
Lorsque tous nos agneaux dans la prairie en pente
Où perle la rosée enfin se sont couchés,
Nous, bergers, nous rêvons. Au loin le lac serpente,
Et sur son eau qui dort les sommets bleus penchés
Semblent compter les fleurs que sèment les étoiles;
De mystère et de froid pénétrés jusqu'aux moelles,
Nous voyons s'entrouvrir le cœur secret des monts
Que nous aimons.
...

Eugène Cordier ()
Auteur des "Légendes des Hautes-Pyrénées"

Dejeanne (1842-1909)
[Médecin, longtemps Maire de Bagnères, auteur d'adaptations de Fables de La Fontaine et des Contes de la Bigorre].

Marthe Délas (1908- )
[Auteur de "Chatillon-en-Bigorre à Castelbajac-Houeydets" en trois tomes. À paraître.
Ne souhaite pas qu'on l'appelle "historienne". Sa devise : "Chercher, Conserver, Transmettre". Une écriture de l'histoire passionnante, détaillée, minutieusement observée de cette région attachante, avec en arrière-plan la célèbre famille Castelbajac.]


Voilà une évocation qui part du cœur :

Houeydts (1996)
Salut à toi, Houeydets ! Petit coin de Bigorre
Qui naquit au beau jour de la lutte inégale
De huit preux combattants, contre dix attaquants.
Par de vrais parisiens, ton nom imprononçable,
Au vent de ce Plateau, claque comme un drapeau.

Nous aimons ton ciel bleu, même s'il est d'hiver,
Tes belles Pyrénées veillant à l'horizon,
Depuis les temps anciens sur cent générations.

Il fait si bon rêver aux abords des fontaines,
aux rives des ruisseaux,au détour des sentiers,
Au log de nos Baïses capricieuses et sereines,
Breuvages pour nos près, moteurs pour nos meuniers.

Il fait si bon courir champs, taillis ou clairières,
En y chassant, joyeux, chevreuils, cailles, faisans,
En suivant un reflet... vive truite d'argent.

Laquette, Marquedou, Courtala, Riou deth Thou,
Tous ces nids si douillets à nos lointains aïeux,
Qui coulèrent ici des jours d'homme heureux,

Quartiers chers à nos cœurs, comme on est bien chez vous !

Et toi jolie Graouette, en ton charmant bocage,
Ta source fraîche pure jaillissant des fougères,
Garde le souvenir de nos bonnes grand'mères
Qui blanchissaient la toile au rythme des chansons,
Pendant que les enfants plus ou moins polissons,
Taquinaient l'écrevisse ou pêchaient le goujon.

Telle une mère poule, sous tes ailes douillettes,
Tu nous veux réunis en certains jours de fête,
Malgré maints coups de bec et quelque éclat de voix,
Solidaires en nos peines, complices dans nos joies.

Nous garderons toujours le souvenir ému
De ces instants passés en ta clairière ombreuse,
Loin des ciels embrumés, des cités de béton,
L'écho de ce vallon répète les accents
De nos voix claironnantde joyeuses chansons,
Louant fines grillades et goûteuses boissons.
Salut à toi Houeydets ! pays que nous aimons,
Tes enfants turbulents jamais ne t'oubliront !...

Floris Delattre ()
Soirs de printemps
Je me suis accoudé longtemps à la fenêtre

C'est la lueur encor d'après le crépuscule :
Sur la ville le ciel se drape violet
Frangé de lilas clair, comme le large ourlet
Du manteau où la nuit chaste se dissimule.

Une étrange douleur pensive me pénètre;
Les toits fument; des hommes passent, dont la voix
Brutale et lourde brise l'oublieux émoi
De ce soir de printemps; et j'ai clos la fenêtre.

Ici tout est silence et tendresse : un bouquet
De mimosas suspend ses gouttes d'or; la lampe
Voile d'un crêpe blond les mystiques estampes;

Et dévot j'ai repris les austères feuillets
Où, le cœur frémissant encor du sacrifice,
Dante sanctifia la mort de Béatrice.


Camille Delthil (1834-1902), surnommé "Le Cygne de Moissac".
Les rustiques
...
Le martinet luisant, de son aile effilée
Fend, rapide et criard, l'inaltérable azur.
Une perdrix, là-bas, dans un champ de blé mûr,
Rappelle à coups pressés sa nombreuse volée.

Il passe dans les airs des éclats de chansons
Qui se mêlent au bruit des charrettes roulantes,
Et, sur les épis d'or aux arêtes brillantes
Courent en bruissant de folâtres frissons.
...

Isidore Ducasse, dit Comte de Lautréamont (4 avril 1846 Montevideo, 24 novembre 1870 Paris)
[Fils d’un diplomate français en Uruguay, il fit ses études secondaires aux lycées de Tarbes et de Pau, puis à Paris pour préparer l’Ecole polytechnique. Il mourut, de façon restée mystérieuse, à vingt quatre ans, pendant le siège de Paris. Une poésie de révolte qui fait de lui un précurseur de la révolution littéraire du XXe siècle.
Voir à la fin de Solution habitat l'étonnante incursion poétique du Comte de Lautréamont dans le domaine mathématiques !]


Claire Duclos, dite Philadelfe de Gerde (1871-1952)

Cyprien Dulor ()

Edmond Duplan (1930-)
Montagnes et gaves

  Refrain.
Montagnes vertes, montagnes bleues, montagnes blanches,
Gaves d'Arrens, de Bun, de Luz et Cauterets,
J'ai tant d'amour au fond du cœur, en avalanche,
Que ma vie seule ne suffirait pour vous chanter.

Ce pays fabuleux où les pics, en hiver,
Mettent leur houppelande
De brume ou de neige et, l'été finissant,
Se fondent lentement dans les cieux,
Où l'âme se révèle à la beauté des lieux,
La magie du silence,
Où les pâtres-chanteurs, épris de liberté
Sont seuls maîtres, là-haut, après Dieu.

Ce pays fabuleux où les cris des marmottes
Éveillent le printemps,
Où les lacs se transforment en autant de miroirs
Lorsque arrive la fonte des glaces,
Cascades pétrifiées qui s'animent, soudain,
En torrents jaillissants,
Où les chasseurs d'isards, épris de liberté,
Sont seuls maîtres, là-haut, après Dieu.

Ce pays fabuleux, fait de sources et de roches
D'ubac et de lumière,
D'amour, de liberté et ou le vent du sud
Se change parfois en balaguère,
Où les vieux "trufandès", sous leur grand béret noir,
Initient les archanges,
Où les guides audacieux, épris de liberté,
Sont seuls maîtres, là-haut, après Dieu.

Cyprien d'Espourrin (1698-1759)
[Il fut proclamé "le prince des Poètes". Son œuvre marque l'éveil de la littérature Gasconne. Il réussit à faire chanter ses chansons à Versailles devant la Cour de Louis XV par un certain Gelyotte, un chanteur d'opéras célèbre. Bien connue est sa plaintive élégie sur le "pasteur malheureux" :]

La haut, sus las mountanhes, u pastou malhourous
Sedut aü pé du haü, négat dé plous,
Sounyabe aü cambiament dé sas amous.

Co leüyè, co boulatyé, dizé l'infourtunat,
La tendrésse et l'amou qué you t'ey dat !...
Soun aco lous rébuts qu'ey méritat ?

Despuch t'es acoustado dab yens de counditiou,
As près u ta haü bol, qué ma maïsou
N'ey prou haoüto en ta tu d'û cabirou.

Tas aouillos dab las mios, nous dégnen plus méscla;
Tous superbès moutou déspuch en ça,
Nou s'approchen d'eüs miés qu'en t'aüs tuma.

Dé richésses mé passi, d'aünous, dé qualitats,
You nou soy qu'u pastou; més nou n'y a nat
Là-haut, sur la montagne, un berger malheureux,
Assis au pied d'un hêtre, noyé de pleurs,
Songeait à l'inconstance de ses amours.

Cœur léger, cœur volage, disait l'infortuné
La tendresse et l'amour que je t'ai donnés !...
Sont-ce là les dédains que j'ai mérités ?

Depuis que tu fréquentes des gens de condition
Tu as pris un si haut vol, que ma maison
N'est assez haute pour toi d'un chevron.

Tes brebis avec les miennes ne daignent plus se mêler;
Et tes superbes moutons depuis lors,
Ne s'approchent des miens que pour les battre.

De richesses je me passe, d'honneurs, de qualités.
Je ne suis qu'un pasteur; mais il n'y en a aucun



Prosper Estieu (1860-1939)
Mater dolorosa
Quand los Jozius torneron à sa Maire
Jesus sang]ant, qu'abian crucificad,
Qu' Aicesta ajet son paure cor macad !
E que son uelh devenguet lagremaire !

Com la metet dins ilesesper cremaire,
Am son costat prigondament traucad
E per la Mort son cos cleja 'ncrocad,
Lo que del Mond era estad tant aimaire !

Un mal plus fort no se pod ressentir...
E, mentretan, dabant lo grand Martir,
Beleu qu'al loc d'esser pla dolorosa,

Maria ajet de pensars agradius
E se faguet una ama subrurosa,
En se brembant que son Filh era Dius !



Mater dolorosa
Quand les Juifs rendirent à sa Mère
Jésus sanglant, par eux crucifié,
Celle-ci eut son pauvre cœur meurtri !
Ses yeux s'inondèrent de larmes !

Elle sombra dans un désespoir affreux :
Son côté était profondément transpercé
Et son corps par la mort déjà raidi,
Celui qui aima tant son prochain !

Une plus forte souffrance ne peut être éprouvée...
Et, cependant devant le grand Martyr,
Peut-être qu'au lieu d'être dans une telle douleur,

Marie eut de consolantes pensées
Qui rendirent son âme heureuse,
Se souvenant que son Fils était Dieu !


Pierre Fons ()
Vieux parc
Dans notre âme ont chanté, comme des voix lointaines,
Les pieux souvenirs des jadis enclos là;
Le deuil de leur beauté, tu le redis, Ségla,
Aux soirs, parmi les pleurs de tes vertes fontaines.

Sur tes bassins dont des saules calment l'éclat,
Mirent-elles encore leurs parures hautaines,
Les dames Louis-Seize aux si blanches mitaines
Comme de roux ramiers dans leur bleu falbala ?

On rêve, en descendant tes secrètes allées,
De longs baisers laissés aux feuilles désolées
Pour le retour de ceux qui ne reviendront pas.

Mais aujourd'hui l'Hôtesse a recueilli leur grâces :
Ton passé précieux s'éveille sous ses pas,
Alors que tu l'entends errer sur les terrasses...


Fontan (Abbé Pierre Fontan) ()
Rives humaines
Que la neige soit belle et joyeux le soleil
Et moins dure la peine et l'ombre plus légère,
Et plus calme la nuit et plus doux notre éveil,
Et chantent à nos cœurs les sources de la terre.
...
Voici le texte d'une lettre du célèbre penseur Jean Guitton à l'Abbé Fontan :

2 mars 1933
Cher Abbé,
Vous me demandez quelques lignes pour présenter vos poèmes. Si j'avais le temps, c'est un livre que j'écrirais sur vous, dont voici le plan :
I. De la Poésie et de la prière.
II. De la Soésie et du Sacerdoce.
III. De quelques exemples : Virgile, Dante, Corneille, Lamartine, Claudel.
IV. De quelques Prêtres-Poètes que j'ai aimés : Hopkins, le Cardonel.
V. De l'Abbé Fontan, sous ses trois aspects, distincts et unis :Philosophe, Poète, Prêtre VI. De sa postérité...
Avec toute mon amitié.
Jean Guitton


A. Fourcade ()

Louis Geoffrin (1874-1953)
[Marthe Délas qui l'a connu dit qu'il ressemblait à Toulouse-Lautrec. Il était d'une grande culture et d'une grande gentillesse. Il chérissait le Plateau de Lannemezan où il était né. Son ami Laurent Tailhade lui fit visiter la capitale où il rencontra les célébrité de l'époque et découvrit un tout autre monde... Il fut aussi apprécié comme organiste à l'Église Saint-Jean Baptiste de Lannemezan où on le surprenait à jouer pendant la messe l'air de la chanson "Lannemezan, ville chérie" pas très catholique..., mais qui faisait sourire les fidèles et que le Curé acceptait pensant que cet air local l'aidait dans sa mission. (Gabriel Puyau, Bulletin municipal N°14)].

Pierre Goudelin (1579-1649)
[Poète gascon qui écrivit en langue d'oc. Il eut une renommée considérable au XVIIe siècle. Écrivain doué, il se fit apprécier et connut le succès dans tous les genres littéraires : odes, idylles, dialogues, chansons, épigrammes, etc. Lyrique - quelquefois avec une pointe d'humour noir - dans son "Ode sur la Mort *", drôle, truculent, rabelaisien, inattendu, poétique dans le "Ramelet Moundi **".]

* Je ne fus pas plus tôt à la maison que je me dis en moi-même : comme les gens s'en vont vite ! Nous glissons tous vers le tombeau où sur ce corps devenu cadavre, les vers jouent à tire-qui-peut ! Fils ingrats de notre misère, c'est pour vous que nous engraissons notre chair et que nous achetons les plus fins morceaux afin de vous préparer meilleure chère.

* Un bon castel garni de vin, de blé, de pastel. En avant, les levrauts au croc, le bon jambon sur le gril, les cailles à la broche et les perdreaux pour nous écurer les dents ! En avant, les saluts, les coups de chapeau, les valets, les carrosses attelés, pendant que je serai très grave au milieu des gens de qualité.

** Son front ressemble à une tuile canal, il est lisse comme le rouet d'une arquebuse. Neuf poils en tout forment ses sourcils arrangés comme un jeu de quilles.. Un de des yeux fait un trou profond comme une cruche sans rebords; l'autre jette une lueur en dehors comme celui d'un chat qui est à l'affût... Ses lèvres sont deux quignons de pain. Des dents ! L'arracheur les a prises et de sa bouche, grande comme une armoire, sort une voix qui est un charivari.

** hHier, tandis que le chat-huant, le hibou et la chouette traitaient dans l'obscurité de leurs menues affaires, pendant que la triste Nuit, pour montrer ses étoiles, de la grande lampe du ciel avait obscurci la mèche.

[Sources : Œuvres de P. Goudelin. Ed. Privat à Toulouse 1887. Histoire des littératures. Ed. La Pléiade.]

Paul Guth ()
[Voir également Galan aujourd'hui, une description du piémont et Les Lacs du Néouvielle].

José-Maria de Heredia (1842-1905)

Victor Hugo (1802-1885)
Voyages, Alpes et Pyrénées. 1843
Cauterets

... Le bruit du Gave n’avait plus rien d’horrible : c’était un grand murmure mêlé à ce grand silence. Aucune pensée triste, aucune anxiété ne sortait de cet ensemble plein d’harmonie.

...
Voici le nœud monstrueux de l'ombre et de l'azur,
Et son faîte est un toit sans brouillard et sans voile
Où ne peut se poser d'autre oiseau que l'étoile;
C'est le Pic du Midi.


Une muraille ! Elle est prodigieuse, elle a
Dix mille pieds de haut et de largeur dix lieux
Ce haut boulevard monta, altier, froid, surprenant,
Et, d'une mer à l'autre, il barre un continent.


La cabane dans la montagne
Le soleil se couchait, les brumes commençaient à monter des torrents qu'on entendait bruire profondément dans les ravins perdus. Nulle trace d'habitation. Ce col devenait de plus en plus sauvage.
J'étais excédé de fatigue. J'avisais à droite, à mi-côte, à quelques pas du sentier, au pied d'une haute roche à pic, un bloc de marbre blanc à demi enfoncé dans la terre. Un grand sapin mort de vieillesse et tombé de l'escarpement s'était arrêté à ce bloc en roulant sur la pente et le couvrait de son branchage desséché et hideux. Harassé comme je l'étais, ce bloc et cet arbre mort, sur lesquels dans ma pensée, j'accrochais, comme des tentes, nos matelas et nos couvertures, me parurent constituer une chambre à coucher confortable.
...

Francis Jammes (1868-1938) Voir aussi Lourdes.
Élégies.
J'ai senti dans mon cœur les souffles de Bigorre
Le gravissement blanc du troupeau vers l'aurore,
La hauteur des bâtons des pâtres roux dans l'ombre,
Et les feux broussailleux épars parmi les brumes,
Et les chiens inquiets, les ânes et les flûtes,
Et le bruit de la nuit et le calme de Dieu.

Jasmin Voir Jacques Boé.

La Calprenède (Gautier de Coste, Seigneur de Tolgon, de Vatymény et de ) ( -1663)
Un brillant conteur Gascon connu par ses aventures et ses fantaisies multiples. Son talent d'amusant conteur lui valut de bénéficier d'une pension octroyée par la Reine et d'être nommé "Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi". Officier de formation, il voulut montrer aux Dames son adresse à manier le fusil, démonstration qui le défigura complètement. Richelieu ayant trouvé certains de ses vers lâches, sa répartie ne se fit pas attendre : "Cap de Dious, Votre Éminence devrait savoir qu'il n'y a rien de lâche dans la maison de La Calprenède !
". Tallemant des Réaux (écrivain contemporain) disait de lui : "Il n'y a jamais eu un homme plus Gascon que lui.", et il raconte : "...il allait chez une Madame Boiste où une petite estourdie de veuve appelée Madame de Brac le vit; elle était folle de ses romans et elle l'épousa à la condition qu'il achève son roman Cléopâtre, ce qui fut mis dans le contrat". Son succès comme auteur de tragédies fut plus mitigé. Robert Sabatier dans son "Histoire de la poésie Française" (Op.cit.) donne cet extrait cocasse :

Soldats, empoignez-le par jambes et par bras,
Lui faisant avaler pour sa cruelle peine,
Une tasse de sang de taureau toute pleine.

qu'il qualifie avec humour de vers tragiques et réjouissants.
Un certain Pierre Médan écrivit un article dans la Revue des Pyrénées (1er trimestre 1907) s'intitulant "Un Gascon précurseur de Racine" où, en bon Gascon qu'il est sans doute, il tente de ressusciter La Mort de Mithridate, tragédie de La Calprenède qui parut dix ans avant le Mithridate de Racine. L'éloge est embarrassé : "...ne traitons pas cependant notre Gascon avec un sévérité outrée" et la comparaison avec Racine, vaine.


A. Lacassin ()

Raoul Lafagette ()
Œuvres :
De l'aube aux ténèbres
Le Bandoulier
Odes & ballades
La fiancée du timbalier
Chants d'un montagnard
Piferari
Mélodies païennes
Les hortensias
Les Oiseaux
Parfums montagnards
La neige

Jules Lafforgue (16 août 1860 à Montevideo, 20 août 1887 à Paris)
[Son père Charles né à Tarbes en 1834, émigre en Uruguay à l’âge de huit ans avec ses parents. Instituteur, il crée un lycée, fait la connaissance de sa future épouse originaire du Havre qui se nomme : Pauline, Ernestine, Emilie Lacolley. La famille comptera onze enfants. En 1866 son père décide de quitter l’Uruguay pour la France, s'installe rue Abbé Torné à Tarbes, mais découvrant vite qu'il y a une grande difficilté à entretenir toute cette famille en France, retourne alors en Uruguay, laissant Emile et Jules à Tarbes au lycée avec comme correspondants ses cousins Darré, boulangers. Après des études secondaires à Tarbes, pas vraiment brillantes, puis à Paris au Lycée Fontanes, aujourd'hui Condorcet, guère plus brillantes, Jules échoue au baccalauréat ; on le laisse abandonner ses études...
Il lit avec frénésie Hugo, Sully Prudhome, Leconte de Lisle, puis Mallarmé, Verlaine, et après un détour chez les Philosophes Renan, Schopenhauer, Taine, fréquente les milieux littéraires, il se lie avec Charles Gros, puis devient, grâce à Paul Bourget, le lecteur attitré de l’impératrice Augusta de Prusse à Berlin (1881-1886). Passé maître du vers libre, il retourne à Paris où il se marie, et meurt quelques mois plus tard de tuberculose. Il vient d'avoir 27 ans.


Alphonse de Lamartine (1790-1869)

Lautréamont (Comte de), voir Isidore Ducasse.

Marcel Lestrade (1866-1899)

Prosper Mérimée (1803-1870)

Jules Michelet (1798-1874)
Histoire de France 1868.
Le Cirque et la cascade de Gavarnie.

... Ce prodigieux cirque et ses tours dans le ciel. Au pied douze sources alimentent le Gave qui mugit sous les ponts de neige et cependant tombe de 1300 pieds, la plus haute cascade de l'ancien monde.

Michel de Montaigne (1533-1592). [Cité dans le chapitre La vie est facile à Galan/Se soigner depuis Galan. Les Essais, Chapitre XXXVII].

Guy de Montgailhard ()
La chanson du Gave
Ma source murmure et se ride
Près du dernier bouquet de pins,
Entre deux touffes de lupins,
A flans de la montagne aride.

Pour frères, j'ai les ouragans,
Pour nourrices, les avalanches
Qui posent leurs pelisses blanches
Sur mon front ceint de pics géants.

Le miroir des nuits étoilées
Tremble au sein de mes flots d'acier,
Etle froid mordant du glacier
Coule avec moi par les vallées.

Je suis le gave qui bondit
Sous les fougères et la mousse :
Devant moi le rocher s'émousse
Et le germe épars s'engourdit.
...

Maïti
Le soleil lentement paraît,
Faisant frissonner toutes choses,
Et les étoiles, au ciel rose,
Éteignent leur œil indiscret.

La brise court, tout essoufflée,
Par les fauves sillons des blés,
Et les saules échevelés
Agitent leur crinière enflée.

Le ciel et rose et bleu pâli
Comme les doigts frais de l'aurore
Des boutons de fleurs vont éclore,
Le vallon sera plus joli.

Déjà, sur les flancs du village,
S'ouvrent de gais contrevents verts,
De moineaux au vif babillage.

L'étang a brillé d'un trait d'or,
Le jour est né : chantez, fauvettes,
Vos roulades si guillerettes
Car la voix de la nuit s'endort.

Enfin ! voici, sur la colline,
Les bœufs qui viennent vers les champs,
Toujours graves, simples, touchants,
Calmes, pleins d'une paix divine.

Ils vont, à travers les champs roux,
Peiner jusqu'à la nuit prochaine,
Poussant du front leur joug le chêne
Sans rébellion ni courroux.

Et derrière eux, tête penchée,
Les laboureurs vont en criant,
Sans repos, les injuriant
De leur voix vibrante et fâchée.

Tandis que les bœufs, - travailleurs
Désintéressés de leurs tâches, -
Sans écouter ces plaintes lâches,
Fouillent le sol, l'esprit ailleurs.

Henry Muchart ()
Sonnet d'automne
Depuis que vous voilà si loin, ô ma jolie,
Mon œœcoeur est comme un nid sans oiseaux, et je sens
Qu'il erre dans le ciel une mélancolie,
Car l'automne a rendu les cieux compatissants.

Allez ! pas plus que moi, la fleur ne vous oublie,
Elle exhale son âme en un dernier encens
Et, pour qu'à mes regrets leur tristesse s'allie,
Les derniers rossignols ont de tristes accents.

Sentant l'hiver qui vient, sous le ciel qui se brouille,
Les branchages frileux sont tout rongés de rouille;
L'amour, les beaux espoirs et les rayons ont fui.

Et seule, tu sais bien, dans la combe lointaine,
Sous ses platanes qui se fanent, la fontaine
Pleure éternellement le rêve évanoui.

Marguerite de Navarre (1492-1549). [Clément Marot, son protégé, la décrivait : "Corps féminin, cœur d'homme et tête d'ange". Elle eut comme secrétaire François Maynard (voir ci-dessus)].
L'Heptaméron 1546
La crue des gaves.
...Les seigneurs et dames françois, pensans retourner aussi facilement à Therbes comme ils étaient venus;trouvèrent les petits ruisseaux si fort creüz que à peine les peurent-ils gayer. Et quand le vint à passer le gave Bearnoys qui, en allant n'avait point deux piedz de profondeur, le trouvèrent tant ghrand et impétueux qu'ilz se détournèrent pour sercher les pontz, lesquels pour n'être que de boys, furent emportée par la véhémence de l'eau...

Joseph Niel ()

Jean Palay (1848-1902). [Père de Simon Palay, il était tailleur à Vic-en-Bigorre.]

Simon Palay (1874-1945)

Antonin Perbosc (1861-1944). [Un pur félibre, géographiquement un peu lointain pour nous, mais dont l'œuvre, au parfum du terroir, connut un grand succès.]
La legenda del benarric

Un cop, i abia un vinhairon
Que se n'anaba à sa vinha,
Al temps ont creis lo borron.
Sul pelenc d'una grezinha,
Aqui qu'al ped d'un garric
Trobet, pluma esparpalhada,
L'ala en sanc e bricalhada,
Mitat mort, un benarric.

Prenguet la paura bestiota,
Lavetsos blaus à-n-un riu,
Apei, dins una gabiota,
la costoziguet bel briu;
E, quand siaguet pla garida,
La larget, un bel matin,
Cap al grand cel diamantin,
Dins la campanha florida.

E l'estiu era vengut,
E sus las vits pampoladas
Los razims abian crescut
En beguent las solelhadas;
Mas la vinha del pacan
Qu'al auzel salvet la vida
Era tota emmalautidia
D'un marrit mal rozegant.

E res à l'entecadura
Dels pampols estalauzits
Posquet portar garidura;
Los gruns, sempre demezits,
Sens vairar s'avaligueron,
E las uscladas d'Agost,
Que gonflan figas e most,
Sus lor posca luzigueron.

Mas, al temps vendemiador,
Aici que n'arribet una :
Milanta auzels en baudor
Vengueron, un ser de luna,
Volant à tira-aliron,
S'acampar dins l'encontrada
Per tirar de malparada
Lo malastrat vinhairon.


La légende de l'ortolan

Une fois, il y avait un vigneron
Qui allait à sa vigne,
Au temps où croît le bourgeon.
Sur l'herbe d'une grézigne,
Voilà qu'au pied d'un chêne
Il trouva, plume ébouriffée,
L'aile sanglante et meurtrie,
À demi mort, un ortolan.

Il prit la pauvre bestiole,
Lava ses blessures à un ruisseau,
Puis la mit dans une cage
Et longtemps la soigna.
Quand elle fut bien guérie,
Il la fit s'envoler un beau matin,
Dans le grand ciel diamantin,
De la campagne fleurie.

Et l'été arriva,
Sur les ceps couverts de pampres
Les grappes avaient grossi
En s'abreuvant des soleillées;
Mais la vigne du pacan
Qui sauva la vie à l'oiseau
Etait toute malade
D'un affreux mal qui la rongeait.

Et de ce mal rongeur
Rien ne put guérir
Les pampres flétris.
Les grains, de plus en plus petits,
Perdirent leur couleur et s'évanouirent,
Et les ardeurs du soleil d'août,
Qui gonflent figues et moût,
Eclairèrent leur poussière.

Mais, voici qu'aux vendanges,
Il advint une merveilleuse aventure :
Une troupe innombrable d'oiseaux
Joyeusement vinrent, un soir de lune,
Volant à tire-d'aile,
S'assembler dans la contrée
Pour secourir l'infortune
Du malheureux vigneron.


Arnaud de Pesquidoux () dit Jean Taillemagre
Un grand écrivain Gascon, fils de Joseph de Pesquidoux. Voir un extrait extraits dans "La vie quotidienne, Le pêle-porc". Egalement dans "Bibliographie sommaire".
Extrait d'une lettre de Jean Taillemagre :
[Il est plus facile pour un campagnard de conduire ses réflexions au rythme de ses pas à travers champs et bois, que pour un citadin toujours pressé par le temps.
Si j'écris rarement, bien que j'espère maintenant donner des chroniques plus fréquemment, c'est qu'il me faut être touché, saisi par un aspect de la nature qui me paraisse devoir être exprimé par la plume.]

Joseph de Pesquidoux, de l'Académis Française, (1869-1946).
Voir Un menu Gascon, "Joseph de Pesquidoux à table" dans Cuisine et Produits du Terroir.

Gui du Faur de Pibrac (1529-1586). Robert Sabatier décrit ainsi son œuvre : "De petites perles de didactisme sans bavardage qui ravissent par leur tournure". En voici trois exemples :
Ce que tu vois de l'homme n'est pas l'homme;
C'est la prison où il est enserré,
C'est le tombeau où il est enterré,
Le lit branlant où il dort un court somme.
...


Car parler bref convient à la vérité,
Et l'autre est prompt à la fable et au songe.


Qui lit beaucoup et jamais ne médite
Semble à celui qui mange avidement,
Et de tous mets surcharge tellement
Son estomac que rien ne lui profite.


Il aussi est le chantre inconditionnel de la vie rustique :

Oh ! bien heureux celui qui loin des courtisans
Et des palais dorés pleins de soucis cuisants,
Sous quelque pauvre toit, délivré de l'envie,
Jouit des doux plaisirs de la rustique vie.


Les quatrains, qui furent sa spécialité, connurent un succès prodigieux; ils furent même traduits en grec et en latin, puis dans toutes les langues parlées d'Europe, y compris en persan, ce qui leur enlevait de leur charme original. Le succès fut durable, Molière dira un siècle plus tard dans Sganarelle, scène I :
...Lisez-moi comme il faut, au lieu de ces sornettes,
Les quatrains de Pibrac...


Charles du Pouey ()
Président de la Société Académique des Hautes-Pyrénées

Emile Pouvillon ()

Armand Praviel ()
Les poètes aux champs
Beauté des champs ! Beauté des monts ! Beauté des plaines !
Le soleil descendait ainsi qu'un ostensoir,
Et le vol circulaire et triste des phalènes *
Nous a dit la leçon étrange à concevoir.

Nous avons peu à peu repris une âme antique,
Et nous avons interrogé les cieux profonds,
Pour savoir s'ils cachaient aux plis de leur tunique
Le temps mystérieux favorable aux sillons.
...
* le phalène est un papillon de nuit.

Émile Renauld ()
Soir Fleuri
Unanime douceur aux champs bleus du vertige,
Les corolles du soir pensif mènent leur chœur :
Harmonieux mystère, ineffable prestige
Du ciel épanoui de feux et de langueur.

Au fil du Gave ami leur image voltige :
Tel se joue, illusoire, un souvenir au cœur.
Dans les grands bois, perdu l'accent d'un cor s'afflige
Et s'éteint aux lointains du silence vainqueur.

N'entends-tu pas vibrer des harpes étouffées ?
Les souffles de la nuit, comme un baiser de fées,
S'attardent sur nos fronts, suaves et charmeurs,

Et, las, s'en vont dormir sur l'épaule des chênes,
Tandis que les échos, par subtiles rumeurs,
Chuchotent les chansons des cascades prochaines.

Norbert Rosapelly (1852-1952)

Edmond Rostand (1868-1918)

Les Musardises
Luchon, ville des eaux courantes
Où mon enfance avait son toit,
L'amour des choses transparentes
Me vient évidemment de toi,...
...
Pourquoi suis-je, ô mes Pyrénées,
Attiré sans cesse vers vous,
Et, riantes ou ravinées,
Qu'avez-vous pour moi de si doux.

Lorsque j'arrive de Provence
À travers de champs de maïs,
D'où vient que je sens à l'avance
Votre odeur de gouffre et de lys ?

D'où vient qu'à vingt ans comme à douze
Je suis debout dans le wagon,
Dès qu'on a dépassé Toulouse,
Pour vous chercher à l'horizon...


Comte Henry Russel. ()
On est meilleur à trois mille mètres qu'au niveau de la mer.
...
On pourrait dire des Alpes qu'elles font valoir leur taille énorme, en se tenant toujours le plus droit possible, comme des athlètes ou des guerriers prêts au combat. Les Pyrénées plus sveltes, plus onduleuses et délicates, sont allongées et somnolentes, elles ont l'air de rêver au soleil comme ces races indolentes du Midi, sous des draperies fastueuses... C'est bien aux Pyrénées qu'iront toujours les sourires des artistes et les vœux des poètes... Les Alpes étonnent, les Pyrénées séduisent. Les Alpes inspirent de la terreur, les Pyrénées de la tendresse. Les Alpes représentent l'homme, et les Pyrénées la femme !...

Le Pic du Midi
Somme toute, c'est peut-être la vue la plus belle et la plus étendus de l'Europe, à donner aux saints la nostalgie de la terre.

Rustica [Source : Revue des Pyrénées Septembre-Octobre 1900]
Moisson
Midi;- et le grand bois plein de fourrés obscurs
Où s'ébattent, joyeux, les lapins en maraude
Semble, sous le soleil, une immense émeraude
Que sertit alentour l'or fauve des blés mûrs.

Les moissonneurs hâlés que la chaleur épuise
Dorment près d'une source, au bord du champ de blé,
À l'ombre, et le silence est à peine troublé
Par le bruit cadencé d'une faux qu'on aiguise

Où par deux amoureux que leur rêve infini
Berce, l'un près de l'autre, à l'abri des ramures,
Et dont les rires frais ressemblent aux murmures
De deux jeunes oiseaux jasant au bord du nid.
...

Isidore Salles (1821-1900)
L'école buissonnière
Le culotte esperrecade
E lous pès hors dous esclops,
Et soubins, Yan de Hourcade,
Et soubins, dou tems d'aùtscops ?...

Aù plach l'un que s'arrestabe :
Bruca mores e lambrots !
L'aù cassou bé puyabe :
Lou bet nid de carnirots !
La culotte déchirée
Et les pieds hors des sabots
T'en souviens-tu, Jean de Hourcade,
T'en souviens-tu du temps d'autrefois ?...

Au buisson, l'un s'arrêtait
Pour y chercher des baies et des mûres !
L'autre grimpait au chêne :
Ah ! le beau nid de chardonnerets !




Guillaume de Salluste du Bartas (1544- )
Célèbre poète Gascon qui, comme Ronsard, fut surnommé "le prince des poètes".

Poème dressé pour l'accueil de la Reine de Navarre.
Baïse, enfle ton cous : commencé t'hès mes grane
Que lou Rhin, que lou Po, que l'Ebre, que la Tane:
Glouriouse, hé brouni toun guai per tout lou Moun,
Baïse,enfle toun cous : commencé t'hès mes grane:
Puch que lamés lou Rhin, lou Po, l'Ebre, la Tane,
Nou bin sur lou graué tant beotat, que lou Toun.
...
Ô merle, ô roussignol, ô meillengue, ô luneiche,
Courés deu b't casau que la Baïse engreiche,
Saludats d'un dous cant la plus bere deu Moun.
Ô parc cargue de fruts tous arbres plus saubadges,
Per arcoulhi ta Dame acate tous ramadges,
Parc, nou se bic iamés tan d'aunou que lou Toun.
...


Baïse, enfle ton cours, commence à te faire plus grande
Que le Rhin, que le Pô, que l'Èbre, que la Tane;
Orgueuilleuse, fais résonner ta gaîeté à travers le monde.
Baïse, enfle ton cours, commence à te faire plus grande:
Puisque jamais le Rhin, le Pô, l'Èbre, la Tane,
Ne virent venir sur leur gravier une telle beauté que ton gravier.
...
Ô merle, ô rossignol, ô mésange, ô linotte,
Partez du beau jardin que la Baïse fait fructifier,
Saluez d'un doux chant la plus belle du monde.
Ô parc, charge de fruits les arbres les plus sauvages,
Pour accueillir ta Dame, abaisse tes rameaux.
Ô parc, jamais on ne vit un tel honneur que celui qui t'échoit.

Autres extraits de ce poème au chapitre Portraits de Bigourdans.

George Sand (1804-1876)
Lavinéa 1883. La vallée de Luz.
Le merle d’eau faisait entendre son petit cri plaintif dans les herbes du torrent, l’eau écumante et froide soulevait avec effort les voiles du brouillard étendus sur elle…

Sernin Santy ()
Rêves et fantaisie (1902)
Ravissez de la neige aux cimes,
Prenez une étoile à la nuit,
Doucement, sans faire de bruit,
Sans chiffonner sa collerette.
À Mars, volez sa pâquerette,
Puis, sur le tout semez de l'or.

Aurélien Scholl (1833-1902)
La Gascogne
Là-bas, c'est mon pays, la Gascogne joyeuse,
Où la pierre à fusil, sous le cep qui se tord,
Jette son étincelle aux mille grappes d'or
Que porte à ses bras verts la vigne plantureuse.

Armand Silvestre (1837-1901). Né à Paris d'une famille ariégeoise, devint enthousiaste des montagnes des Hautes-Pyrénées dont il ne cessa d'exprimer les splendeurs dans de jolies poésies.
Soir dans la montagne, août 1896.
Sous un flot de vapeurs d'azur et d'améthyste
Le couchant a laissé les rocs silencieux.
L'âme tiède du soir baigne leur grandeur triste
Et leurs profils hautains se perdent dans les cieux.

Leurs sereines hauteurs, l'une à l'autre enchaînées,
Comme les flots mouvants qu'emporte le reflux,
S'effacent, et d'éteint l'ombre des Pyrénées
Que le cor de Roland ne réveillera plus.
...
Mais soudain un croissant a déchiré la nue,
Et, suspendant un pleur de flamme au firmament,
Chaque étoile à son tour au fond des cieux venue,
Chasse un peu de cette ombre et brille lentement.

Un souffle de lumière erre au contour des choses
Et ranime l'esprit dont chacune est hantée :
Et, comme des rayons glissent en des paupières closes,
Sur les cimes des monts s'éveille une clarté.

Ah ! Comme un vin vermeil qui fait le cœur moins sombre,
Gardez un peu de feu qui, sur vos crêtes, luit,
Montagnes qui tendez vos grandes coupes d'ombre
Au ruissellement d'or des astres de la nuit.


Jules Supervielle (1884-1960)

Laurent Tailhade (1854-1919)
Pyrénées 1917.
... Dans le calme et frais décor, au pied de la montagne riche de source, d'ombres et de silence, parmi les arbres que rajeunit sans cesse l'eau vive des fontaines, l'esprit se plaît à rêver.

La ville des baisers, Bagnères au vent du soir
Livre sa nudité de nymphe et de baigneuse,
Les paroles d'amour, sur sa lèvre rieuse,
Pareilles à de bleus ramiers viennent s'asseoir...

Voir son évocation étonnante des Feux de la Saint-Jean.

Hypolite Taine(1828-1893)
[Voyage aux Pyrénées, page 239. 1863. Description des mousses.]
" Au sommet croissent les mousses. Battues par le vent, desséchées par le soleil, elles perdent la teinte verte et fraîche qu'elles ont dans les vallées, au bord des sources. Elles se roussissent de tons fauves, et leurs filaments lisses ont le reflet des poils du loup. D'autres, jaunies et pâles, couvrent de leurs couleurs maladives les crevasses qui saignent. Il y en a de grises, presque blanches, qui poussent comme des restes de cheveux sur les rochers chauves. De loin, sur le dos de la montagne, toutes ces teintes se fondent, et ce pelage nuancé jette un éclat sauvage. Les derniers végétaux sont des croûtes rougeâtres, collées aux parois des roches, qui semblent faire partie de la pierre, et qu'on prendrait non pour une plante, mais pour une lèpre. Le froid, la sécheresse et la hauteur, ont par degrés transformé ou tué la végétation. "

Le Lac de Gaube
Le lac de Gaube dort entre les précipices. l'eau verte, profonde trois cents pieds, a des reflets d'émeraude. Les têtes chauves des monts s'y miroitent avec une sérénité divine. La fine colonne des pins s'y réfléchit aussi nette que dans l'air; dans le lointain, les bois vêtus d'une vapeur bleuâtre viennent tremper leurs pieds dans son eau froide, et l'énorme Vignemale, taché de neige, le ferme de sa falaise. Quelquefois un reste de brise vient le plisser, et toutes ses grandes images ondulent; la Diane de Grèce, la Vierge chasseresse et sauvage, l'eut pris pour miroir.
[On imagine mal qu'un tel poète soit surtout connu par "Les origines de la France contemporaine", Pierre Larousse faisait grand cas du talent de Taine et cite in extenso l'extrait ci-dessus dans son Dictionnaire de 1875].

Voir également :
- Menu Principal/Comment, où, de quoi, vivaient les Galanais il y a 150 ans ?/Le pêle-porc,
- Menu Principal/Promenades/Pic du Midi/L'ascension du Pic du Midi.

Jean-Paul Toulet (1867-1920). Voir Vie facile/Le climat de Galan.



François Tresserre ()
Dédicace
...
La chanson du torrent qui s'obstine à courir
Et pleure, comme un cœur ivre de son désir,
Me berce dans la nuit blanche de lucioles;
Et vos yeux de douceur, Étoiles, me consolent;
Et, chastes comme un vœu, légères comme un chant,
Je vous regarde fuir, blondes vers le couchant.
...

Vainement
J'ai voulu vainement interroger les roses,
Les roses de l'enclos ne m'ont pas écouté;
Le dernier papillon, rêveur des nuits d'été,
Enivrait de baisers les corolles mi-closes

Les bleuets dans les champs cambraient leurs habits bleus;
Ma plainte n'a pu troubler leur indolence;
De ma douleur, j'ai fait un hymne à l'espérance:
Les bleuets sont distraits comme tous les heureux.

Un peuplier jauni frissonnait dans la brume
Et ses feuilles pleuvaient comme une averse d'or.
«Vois l'hiver, me dit-il, viens sourire à la mort;
Les joies, comme mes fleurs s'en vont une par une.»

Le roseau sur la flûte essayait un accord;
Les chênes me vantaient la pourpre des batailles;
Mon rêve s'enfonça dans la nuit des broussailles;
La brise, au bord des nids reprenait son essor.

Au pas du chevrier, les clochettes de cuivre
Semblaient pleurer, dans le sentier, la fin du jour;
Les échos du vallon restaient muets d'amour.
Le silence était lourd de mon ennui de vivre.

Gabriel Vicaire (1848-1900)

Alfred de Vigny (1797-1863)
O montagnes d'azur ! O pays adoré !
Rocs de la Frazona, Cirque du Maboré
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées
Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le pied est de glace et le front de gazon.
...

Georges Ville ()
Elle plaignait les fleurs qui meurent dans le pré;
Elle disait : " L'hiver est trop dur pour les roses;
Une fleur, c'est vivant comme moi, c'est sacré !... "
Elle plaignait ainsi les bêtes et les choses.
...


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Proverbe Gascon
Pour qui veut faire grand, nous avons mieux : l'océan à un bout, la mer bleue à l'autre.

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