"Le poème, cette hésitation prolongée
entre le son et le sens." Paul Valéry |
Poulido reyno bigourdano Tu qué pourtan un froun rizen, T'assétères al miey dé ta frésquéte plâno, Per alanda sans fi toun gran pourtal luzen, A riche et paouro carabâno Qué bènon, quatre més, bioure à tous rocs d'argen. ... |
De la Bigorre, aimable reine, Un beau matin de l'ancien temps, Tu t'assis au milieu de ta riante plaine, Que l'Adour rafraîchit de ses flots bienfaisants : Depuis ce jour, quatre mois tous les ans, À la richesse, à l'indigence, Ouvrant tes portails enchantés, Tu reçois, le cœur plein d'amour, de bienveillance, Tous ces peuple nombreux, qui des bouts de la France Viennent voir tes grands rocs, par la neige argentés. ... |
La haut, sus las mountanhes, u pastou malhourous Sedut aü pé du haü, négat dé plous, Sounyabe aü cambiament dé sas amous. Co leüyè, co boulatyé, dizé l'infourtunat, La tendrésse et l'amou qué you t'ey dat !... Soun aco lous rébuts qu'ey méritat ? Despuch t'es acoustado dab yens de counditiou, As près u ta haü bol, qué ma maïsou N'ey prou haoüto en ta tu d'û cabirou. Tas aouillos dab las mios, nous dégnen plus méscla; Tous superbès moutou déspuch en ça, Nou s'approchen d'eüs miés qu'en t'aüs tuma. Dé richésses mé passi, d'aünous, dé qualitats, You nou soy qu'u pastou; més nou n'y a nat |
Là-haut, sur la montagne, un berger malheureux, Assis au pied d'un hêtre, noyé de pleurs, Songeait à l'inconstance de ses amours. Cœur léger, cœur volage, disait l'infortuné La tendresse et l'amour que je t'ai donnés !... Sont-ce là les dédains que j'ai mérités ? Depuis que tu fréquentes des gens de condition Tu as pris un si haut vol, que ma maison N'est assez haute pour toi d'un chevron. Tes brebis avec les miennes ne daignent plus se mêler; Et tes superbes moutons depuis lors, Ne s'approchent des miens que pour les battre. De richesses je me passe, d'honneurs, de qualités. Je ne suis qu'un pasteur; mais il n'y en a aucun |
Mater dolorosa Quand los Jozius torneron à sa Maire Jesus sang]ant, qu'abian crucificad, Qu' Aicesta ajet son paure cor macad ! E que son uelh devenguet lagremaire ! Com la metet dins ilesesper cremaire, Am son costat prigondament traucad E per la Mort son cos cleja 'ncrocad, Lo que del Mond era estad tant aimaire ! Un mal plus fort no se pod ressentir... E, mentretan, dabant lo grand Martir, Beleu qu'al loc d'esser pla dolorosa, Maria ajet de pensars agradius E se faguet una ama subrurosa, En se brembant que son Filh era Dius ! |
Mater dolorosa Quand les Juifs rendirent à sa Mère Jésus sanglant, par eux crucifié, Celle-ci eut son pauvre cœur meurtri ! Ses yeux s'inondèrent de larmes ! Elle sombra dans un désespoir affreux : Son côté était profondément transpercé Et son corps par la mort déjà raidi, Celui qui aima tant son prochain ! Une plus forte souffrance ne peut être éprouvée... Et, cependant devant le grand Martyr, Peut-être qu'au lieu d'être dans une telle douleur, Marie eut de consolantes pensées Qui rendirent son âme heureuse, Se souvenant que son Fils était Dieu ! |
La legenda del benarric Un cop, i abia un vinhairon Que se n'anaba à sa vinha, Al temps ont creis lo borron. Sul pelenc d'una grezinha, Aqui qu'al ped d'un garric Trobet, pluma esparpalhada, L'ala en sanc e bricalhada, Mitat mort, un benarric. Prenguet la paura bestiota, Lavetsos blaus à-n-un riu, Apei, dins una gabiota, la costoziguet bel briu; E, quand siaguet pla garida, La larget, un bel matin, Cap al grand cel diamantin, Dins la campanha florida. E l'estiu era vengut, E sus las vits pampoladas Los razims abian crescut En beguent las solelhadas; Mas la vinha del pacan Qu'al auzel salvet la vida Era tota emmalautidia D'un marrit mal rozegant. E res à l'entecadura Dels pampols estalauzits Posquet portar garidura; Los gruns, sempre demezits, Sens vairar s'avaligueron, E las uscladas d'Agost, Que gonflan figas e most, Sus lor posca luzigueron. Mas, al temps vendemiador, Aici que n'arribet una : Milanta auzels en baudor Vengueron, un ser de luna, Volant à tira-aliron, S'acampar dins l'encontrada Per tirar de malparada Lo malastrat vinhairon. |
La légende de l'ortolan Une fois, il y avait un vigneron Qui allait à sa vigne, Au temps où croît le bourgeon. Sur l'herbe d'une grézigne, Voilà qu'au pied d'un chêne Il trouva, plume ébouriffée, L'aile sanglante et meurtrie, À demi mort, un ortolan. Il prit la pauvre bestiole, Lava ses blessures à un ruisseau, Puis la mit dans une cage Et longtemps la soigna. Quand elle fut bien guérie, Il la fit s'envoler un beau matin, Dans le grand ciel diamantin, De la campagne fleurie. Et l'été arriva, Sur les ceps couverts de pampres Les grappes avaient grossi En s'abreuvant des soleillées; Mais la vigne du pacan Qui sauva la vie à l'oiseau Etait toute malade D'un affreux mal qui la rongeait. Et de ce mal rongeur Rien ne put guérir Les pampres flétris. Les grains, de plus en plus petits, Perdirent leur couleur et s'évanouirent, Et les ardeurs du soleil d'août, Qui gonflent figues et moût, Eclairèrent leur poussière. Mais, voici qu'aux vendanges, Il advint une merveilleuse aventure : Une troupe innombrable d'oiseaux Joyeusement vinrent, un soir de lune, Volant à tire-d'aile, S'assembler dans la contrée Pour secourir l'infortune Du malheureux vigneron. |
Extrait d'une lettre de Jean Taillemagre : |
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[Il est plus facile pour un campagnard de conduire ses réflexions au rythme de ses pas à travers champs et bois, que pour un citadin toujours pressé par le temps. Si j'écris rarement, bien que j'espère maintenant donner des chroniques plus fréquemment, c'est qu'il me faut être touché, saisi par un aspect de la nature qui me paraisse devoir être exprimé par la plume.] |
Luchon, ville des eaux courantes Où mon enfance avait son toit, L'amour des choses transparentes Me vient évidemment de toi,... ... Pourquoi suis-je, ô mes Pyrénées, Attiré sans cesse vers vous, Et, riantes ou ravinées, Qu'avez-vous pour moi de si doux. Lorsque j'arrive de Provence À travers de champs de maïs, D'où vient que je sens à l'avance Votre odeur de gouffre et de lys ? D'où vient qu'à vingt ans comme à douze Je suis debout dans le wagon, Dès qu'on a dépassé Toulouse, Pour vous chercher à l'horizon... |
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L'école buissonnière |
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Le culotte esperrecade E lous pès hors dous esclops, Et soubins, Yan de Hourcade, Et soubins, dou tems d'aùtscops ?... Aù plach l'un que s'arrestabe : Bruca mores e lambrots ! L'aù cassou bé puyabe : Lou bet nid de carnirots ! |
La culotte déchirée Et les pieds hors des sabots T'en souviens-tu, Jean de Hourcade, T'en souviens-tu du temps d'autrefois ?... Au buisson, l'un s'arrêtait Pour y chercher des baies et des mûres ! L'autre grimpait au chêne : Ah ! le beau nid de chardonnerets ! |
Poème dressé pour l'accueil de la Reine de Navarre. |
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Baïse, enfle ton cous : commencé t'hès mes grane Que lou Rhin, que lou Po, que l'Ebre, que la Tane: Glouriouse, hé brouni toun guai per tout lou Moun, Baïse,enfle toun cous : commencé t'hès mes grane: Puch que lamés lou Rhin, lou Po, l'Ebre, la Tane, Nou bin sur lou graué tant beotat, que lou Toun. ... Ô merle, ô roussignol, ô meillengue, ô luneiche, Courés deu b't casau que la Baïse engreiche, Saludats d'un dous cant la plus bere deu Moun. Ô parc cargue de fruts tous arbres plus saubadges, Per arcoulhi ta Dame acate tous ramadges, Parc, nou se bic iamés tan d'aunou que lou Toun. ... |
Baïse, enfle ton cours, commence à te faire plus grande Que le Rhin, que le Pô, que l'Èbre, que la Tane; Orgueuilleuse, fais résonner ta gaîeté à travers le monde. Baïse, enfle ton cours, commence à te faire plus grande: Puisque jamais le Rhin, le Pô, l'Èbre, la Tane, Ne virent venir sur leur gravier une telle beauté que ton gravier. ... Ô merle, ô rossignol, ô mésange, ô linotte, Partez du beau jardin que la Baïse fait fructifier, Saluez d'un doux chant la plus belle du monde. Ô parc, charge de fruits les arbres les plus sauvages, Pour accueillir ta Dame, abaisse tes rameaux. Ô parc, jamais on ne vit un tel honneur que celui qui t'échoit. |
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