Quelques rites
datant de la nuit des temps*


e solstice d'hiver>, 21 ou 22 décembre, est une des fêtes importantes de l'année: le soleil est au plus bas, il ne peut que remonter.
C'est donc la fête des optimistes qui en parlent quatre semaines à l'avance. Dans les villes, le sonneur de trompe parcourt les rues chaque soir pour annoncer la fête païenne-chrétienne : le solstice et la naissance du Christ. La famille est plus gaie, les beaux jours, même encore lointains, pointent. Mais une fête peut-être plus importante encore, c'est le 13 décembre, la Sainte Luce, la fête de la lumière. Les jours vont alors rallonger d'une petite minute pour commencer. Le proverbe dit "À la Sainte Luce, les jours allongent d'un saut de puce"..
En effet, la durée du jour augmente à la Sainte Luce le 13 décembre, alors que le soleil se couche toujours plus tôt pendant quelques jours, jusqu'au solstice d'hiver le 21 ou 22 décembre. Pour les Aquitains c'est la résurrection de la nature, les druides clament : "Le blé germe", c'est la période des grands froids et pourtant l'année meilleure se profile, elle est là, bien que nous ne soyons pas au 1er janvier, date artificielle du calendrier. Croyants et incroyants mélangent solstice, Sainte Luce et la Noël. C'est la fête : on prépare l'estoffat de Nadau, daube au vin rouge qui a mijoté dans un poêlon de terre sous la braise pendant un jour, et on place dans la cheminée la "soquet de Nadau", la bûche de Noël - qui n'est pas encore un gâteau - en bois bien sec, énorme, qu'on a pas pu débiter à cause de sa dimension et des nœuds; elle a été mise de côté dans le bûcher pour la Noël. Elle flambera toute la nuit jusqu'à l'aube et sera le point de mire durant la veillée précédant la messe; elle peut être un gage de fécondité car le proverbe dit : "Bûche bien brûlée, flamme déclarée". Certains parent la maison de gui, survivance druidique. On mange quelques châtaignes grillées, les enfants vont dormir un moment et à minuit on se rend à l'Église. Des chants d'allégresse, le prêtre dépose dans la crèche une statuette de l'Enfant Jésus, des bergers apportent un mouton et des fromages **. Souvenirs inoubliables pour les enfants qui pourtant n'avaient pas alors les cadeaux maintenant traditionnels. A la maison on déguste l'estouffat et quelques merveilles. Dans les villes, les jeunes parcourent les rues en chantant.
Curieusement, le Jour de l'an n'est pas l'occasion de grandes réjouissances, car par confusion, c'est le solstice d'hiver qui est considéré comme le début de l'année et la tradition des vœux de bonne année semble assez récente.
Le 2 février, c'est la Chandeleur, de era candelera, la chandelle, et là encore il y a ambiguïté car on ne fait pas bien la distinction entre la fête chrétienne de la Purification (présentation de Jésus-Christ au temple) et la fête païenne de la purification par le feu sacré lors de laquelle les druides faisaient franchir des brasiers à des troupeaux de moutons pour les purifier. Actuellement certaines villes, Lyon par exemple, ont conservé cette tradition : des lampions posés sur le bord des fenêtres illuminent la ville. Voici un exemple de d'invocation mixte, religieuse et païenne : "Notre-Dame de la Chandeleur, enlève le loup de la vallée, Notre-Dame de Mars va te l'en faire sortir".
Le Carnaval, c'est la fête du printemps qui s'annonce. Une explosion de joie qui tombe en pleine période du pêle-porc et de préparation des confits de volailles. Les beignets sont de rigueur, et à profusion. Encore des restes de fêtes druidiques au cours desquelles les jeunes et les moins jeunes se déguisaient, dansaient au rythme des sonnailles, vociféraient et s'employaient ainsi à chasser les mauvais esprits. La fête se terminait le mardi par l'immolation sur la place de l'effigie de Sa Majesté le Carnaval, à l'image des druides qui pratiquaient l'holocauste d'animaux. La foule chantait en chœur cette vieille complainte : "Carnaval est un brave homme, il nous laisse nous amuser, prions Dieu qu'il revienne vite, quand ce serait demain matin ! Adieu pauvre, pauvre Carnaval, tu brûles et moi je pleure. Adieu pauvre Carnaval."
La mi-carême est fêtée le 21 mars, premier jour du printemps, date où chez les druides on projette les mariages qui seront célébrés fin août. Comment ne pas faire le rapprochement avec la Saint Joseph le 17 mars où la coutume est de faire bénir des bougies à l'office du soir. La statue du Saint tout illuminée par des bougies offertes par des jeunes filles qui, en prière, psalmodient tout bas une jolie supplique : "Saint Joseph, mariez moi s'il vous plaît".
Le jour de Pâques est important : pas de traces à Galan, mais en Barousse le curé bénit les maisons et chaque lit pour chasser le diable; coût : deux œuf par lit.
La Saint-Jean coïncide avec le solstice d'été qui était fêté par les druides pour vénérer le dieu Abellion, c'est le hailla. Les brasiers sacrés sont allumés à la flamme du brasier principal consacré par les druides. Les villageois prélèvent un brandon de ce feu sacré pour les confier à leurs "Vestales" galanaises. C'est encore la fête du feu, du feu nouveau éventuellement béni, et quelquefois même allumé par le curé du village. Toujours la confusion des genres, sacrés et païens.
D'autres hypothèses savantes ont été faites sur l'histoire de ce feu sacré. Notre poète local Laurent Tailhade a sur ce sujet une foule d'idées... de poète . En voici un échantillon*** qui n'est pas banal :

"Et lorsque le crépuscule descend sur le brasier qui craque et se décompose, une traînée de pourpre s'épand dans le ciel vert-pâle, rayé au couchant de nuages gris, un brouillard d'étincelles qui pourrait emporter dans ses volutes vermeilles l'âme constante des suttées 1, l'aile impérissable de l'oiseau phœnix 2. C'est la minute de suprême apothéose où les enfants allument à 1'emblématiquc foyer leurs torches fleuries et les secouent incandescentes comme le thyrse 3 dionysiaque sur les fronts de la cohue épeurée 4. Puis tout tombe dans le noir. Sur les cendres encore chaudes expire le dernier rayon de jour. Ainsi qu'en la sylve du Dante le soleil se tait."

1- suttées :sacrifices volontaires des femmes indiennes sur un bûcher.
2- phœnix : son aile est impérissable car le phœnix renaîtra de ses cendres.
3- thyrse : bâton entouré de feuilles et portant une pomme de pin à son extrémité. Symbole de Bacchus (Dionysios chez les Grecs).
4- épeurée : qui fait peur.


La Toussaint voisine avec le jour des morts et, précisément, c'est à cette date que les druides fêtent le sommeil de la nature. Alors, on attend l'Avent et la Sainte Luce est proche...
La boucle est bouclée.

* Sources : E. Lafranque, Bulletin de la Société Ramond, 1972. éd. Péré à Bagnères de Bigorre.
** Tradition de la crèche vivante remise à l'honneur à Galan.
*** Source : René Escoula, Glanes Bagnéraises, éd. "La petite gazette", 1926.



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Violaine de Montclos

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