Son Excellence, le Haricot Tarbais

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Il est devenu à la mode depuis quelques années : Pierre Perret et Jean-Pierre Coffe en parlent avec émotion, ce dernier a même déclaré tout net, c'est à dire comme à son habitude, à l'émission de Laurent Ruquier "Pas de cassoulet sans Tarbais". Le fameux restaurateur Bernard Loiseau en raffole. L'épicerie de luxe du Bon Marché à Paris en vend, Christian Constant Chef au Restaurant du Crillon, place de la Concorde à Paris le cite dans au moins deux recettes de son livre "La Cuisine de Christian Constant à l'Hôtel de Crillon", éd. Michel Lafon/Ramsay 1995 : Poêlée de lieu jaune en écailles de chorizo, purée de haricots tarbais [c'est bien précisé] au vinaigre et ailleurs Crème de haricots tarbais glacée et parfumée au romarin. Le Chef Pinard du Restaurant de la Pyramide du Louvre le porte aux nues, etc.
Eh bien, le berceau du Haricot Tarbais, c'est la Bigorre, et Galan figure parmi les sites de production du département désignés officiellement par le Ministère de l'Agriculture. Celui-ci a décerné au dit Haricot un Label Rouge et une Indication Géographique Protégée (IGP) qui garantissent l'origine et la qualité du produit.
Par tradition locale, le Tarbais figurait souvent au menu du dépiquage en ragoût de mouton et constituait un des éléments de base de la nourriture courante car il était peu coûteux étant produit à la ferme. Mais les choses ont évolué : le Tarbais a acquis des lettres de noblesse et nul ne conteste son appartenance à la gastronomie. Son prix, plutôt élevé, est dû au fait que sa culture ne peut être mécanisée. Il est commercialisé cuisiné en boîtes ou en bocaux, ou sec après avoir séjourné à basse température à titre de prévention contre les charançons, ou frais, en gousses, dès la fin août et jusqu'en octobre, la gousse vire alors du vert au jaune. On peut le surgeler sans altérer ses qualités. C'est d'ailleurs le Tarbais frais, fort apprécié, qui lui a donné l'image d'un légume plutôt que celle d'un féculent. Les grains représentent 49% du poids total.
Mais pourquoi cet engouement, peut-on se demander ? Les caractéristiques techniques du Tarbais qui en font le Roi des haricots ont été scientifiquement mises en évidence par l'École Nationale de Chimie de Toulouse :
Essentiellement, la peau qui enveloppe la graine est fine : 100 microns maximum, mais surtout, cette peau, contrairement aux autres espèces de haricots, n'est pas collée à la graine. Ces deux propriétés entraînent une fragilité et un détachement facile de cette peau lors de "traitements thermiques", en français, à la cuisson. Il n'y a plus de barrière entre la graine et le milieu dans lequel elle cuit, ce qui entraîne les avantages suivants :
    - le temps de cuisson est plus faible,
    - la cuisson se fait à cœur d'où ce fondant incomparable,
    - les arômes et saveurs de la préparation culinaire pénètrent à l'intérieur de toute la graine : le haricot tarbais est "goûteux",
    - il est fondant au palais et n'est pas farineux,
    - il est plus digeste.

Quelques détails supplémentaires sur le Haricot Tarbais.

Des essais ont été faits en vue d'implanter cette variété dans d'autres régions de France et aussi dans le nord-ouest de l'Argentine dans l'oasis de Tucuman peut-être trop arrosé avec 2000 mm de pluie chaque année et à une altitude sans doute trop élevée de 2700 m. L'échec fut total, assorti d'une déroute financière dont la presse de l'époque se fit l'écho retentissant. Pourtant l'Amérique du sud est l'endroit d'où il a été importé en France au XVIe siècle par un obscur moine espagnol.

Ah, ce Tarbais !
Le voilà, dans 15 jours on va commencer à en cueillir.

C'est au XVIIIe siècle que le maïs fut promu par Monseigneur de Poudenx, Évêque du diocèse de Tarbes, et dans la foulée le haricot. Il fallait lutter contre les famines causées entre autres par les périodes de sécheresse. Les deux plantes sont semées alternées et forment, adultes, un ménage uni puisque le haricot enlace le maïs, son tuteur pour ne faire qu'un, comme le montre la photo ci-contre. Les désherbants sélectifs utilisés maintenant décimeraient le haricot et ont entraîné un divorce à vie entre les deux plantes : des filets en nylon se font maintenant enlacer par le haricot et lui servent de tuteurs. Autre temps, autre mœurs !
Alors, on peut se demander pourquoi la Bigorre, dont Galan, a ce privilège de réussir seule cette culture. Les agronomes expliquent la chose : nous sommes uniques en Bigorre, et à Galan en particulier, à pouvoir combiner trois facteurs indispensables à la production du Tarbais :

Les préparations sont multiples : cassoulet bien sûr, garbure, ragoût de mouton, tiède en salade avec du basilic, accompagnant un canard, un gibier. Les doses sont les suivantes : Tarbais sec, entre 60 et 80 grammes par personne, pas davantage car il va plus que doubler de volume après trempage imposé d'une nuit. Pour le frais on peut aller jusqu'à 120 grammes, n'oublions pas, c'est un légume et non un farineux.
Voici une recette préconisée par la Chambre d'Agriculture des Hautes-Pyrénées :

L'agneau sauté aux haricots tarbais.
Préparation 30 mn, cuisson 1 h 45.
Pour 4 personnes : 1 kg d'agneau (épaule par exemple) coupé en morceaux, 3 oignons, 3 belles carottes, 1 clou de girofle, 4 gousses d'ail, un petit bouquet garni, 125 g de graisse de canard, 1 kg de haricots frais écossés (pesés sans les cosses) - ce qui fait 250 grammes par personne, c'est beaucoup, Jean-François Campistron prévoit 180 grammes pour la mounjétade - , 1 l de bouillon, 2 échalotes, un petit bouquet de persil simple, sel et poivre.
Demandez au boucher de couper la viande non désossée en morceaux réguliers et pas trop gros, assaisonnez-les, épluchez les oignons et les carottes, émincez deux de ces oignons et piquez le dernier avec le clou de girofle, émincez également les carottes, épluchez et écrasez 2 gousses d'ail; vous n'incorporerez celles-ci qu'à la fin de la recette, car l'ail écrasé ou émincé ne doit pas cuire.
Faites chauffer 40 g de graisse dans une sauteuse, ajoutez la moitié des oignons émincés, les carottes, les morceaux d'agneau, faites revenir en remuant de temps en temps à la cuillère en bois jusqu'à ce que ces éléments soient bien dorés.
Faites également fondre 40 g de graisse dans une cocotte à fond épais. Ajoutez les haricots frais, le bouquet garni et l'oignon piqué avec le clou de girofle, couvrez, faites "suer" les haricots pendant 20 mn à feu aussi doux que possible en les remuant de temps en temps à la cuillère en bois pour qu'ils n'attachent pas.
Lorsque l'agneau est bien doré, mouillez-le avec le bouillon, amenez à ébullition. Versez alors la viande et sa sauce sur les haricots dans la cocotte le bouillon doit couvrir les haricots (au besoin complétez par un peu de bouillon ou d'eau chaude), couvrez et laissez cuire pendant 1 h 20 à très petit feu et assaisonnez à mi-cuisson. Épluchez et hachez finement les échalotes, le reste des gousses d'ail et le persil, incorporez la persillade (échalotes, ail, persil hachés).
Au moment de servir, mélangez cette persillade et les deux gousses d'ail écrasé aux haricots à feu doux, versez dans un plat mi-creux. Servez bien chaud.
Bon appétit !

Vous pourrez trouver une autre recette à "La Mounjétade", la fête de Son Excellence, le Haricot Tarbais, à Hachan.



Petit mémento pour les maraîchers en herbe attirés par la culture du Tarbais.
[Source : Coopérative Pyrénéenne des Producteur de Haricots Tarbais.]
Assurez-vous, c'est primordial, que le sol et le climat satisfont bien aux exigences exposées plus haut. Semez vos maïs dans des sillons distants d'au moins 1 mètre, si possible 1,50 mètre, les semences de maïs seront espacées d'une vingtaine de centimètres. Semez dans le sillon un tarbais tous les 50 centimètres, profondeur 3 à 4 centimètres. Cette opération peut se faire après la levée du maïs. Rajouter sur la terre un engrais complet 6-15-30-S.

On remarque que cette culture n'est souvent qu'un appoint dans l'économie rurale et qu'elle est surtout pratiquée avec une main-d'œuvre familiale car la rentabilité n'est pas garantie comme le montre le bilan simplifié suivant :
Supposons que la surface cultivée soit de 25 ares.

Dépenses :
Investissement initial
Frais d'exploitation
200 piquets à 1,83 € 366,00 € Semences 45,73 €
Fil de fer 91,47 € Traitements du sol 15,24 €
Désherbage 45,73 €
Fongicides 44,73 €
Insecticides 33,54 €
Fumure 42,69 €
             Filets de tuteurage 182,94 €
Total :
457,47 €
Total :
411,61 €

Recettes :
Rendement en grain sec : 25qx/ha, soit 630 kg pour 25 ares.
Recette brute : 630 x 4,57 €/kg = 2879,10 €.
La marge brute est donc de 2879,10 - 411,61 = 2467,49 € (16184,74 F), dont il faudra soustraire une part d'amortissement de l'investissement initial.
Et si l'on estime que le matériel investi dure 4 années, son amortissement coûte 411,61/4 = 102,90 €.
- Si l'exploitation est faite en famille (sans main d'œuvre), le rapport est de 2467,49 - 102,90 = 2364,59 € (15510,69 F)
- S'il faut payer de la main-d'œvre au coût de 9,15 €/heure, salaire brut, comme il faut compter environ 230 heures pour la pose des filets, les récoltes, la dépose des filets, le battage, les traitements et les façons culturales pour nos 25 ares, cela augmente les dépenses d'exploitation de 230 x 9,15 = 2104,50 €.
Le bénéfice est alors ramené à 2364,59 - 2104,50 = 260,09 € (1706,08 F).

Les maladies ou agressions qui peuvent survenir :

En principe, on s'abstient de traiter ces maladies si le tuteur est le maïs. par contre, si le tuteur est un filet nylon, ce qui est moins poétique, il existe une panoplie de produits efficaces.

Pour avoir d'autres renseignements sur le haricot Tarbais, en particulier des recettes bien sympathiques, une seule adresse :

Association Interprofessionnelle du Haricot Tarbais
ZA Basillac 65000 Tarbes
Tél.: 05 62 34 77 88

Adresse du site Internet : http://www.haricot-tarbais.com

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