La vie est-elle plus facile
depuis le début du XIXe siècle
du fait du développement de l'industrie ?


Une question que chacun se pose alors :

L'industrie va t'elle supprimer du travail aux ouvriers ?

Voici la réponse de Chaptal* en 1819 :

Des personnes peu éclairées craignent toujours que l'emploi des machines n'enlève le travail à une grande partie des ouvriers qui sont employés dans les fabriques : on a dû éprouver les mêmes craintes lorsqu'on a découvert la charrue et l'imprimerie; mais, en remontant à l'origine des arts pour en suivre les progrès jusqu'à nous, on voit que la main de l'homme s'est constamment armée de machines qu'on a perfectionnées peu à peu; et que la prospérité de l'industrie a été toujours proportionnée à ces améliorations. La raison en est, que les machines, en diminuant le prix de la main d'œuvre, font baisser celui du produit, et que la consommation augmente, par le bas prix, dans une progression plus forte que celle de la diminution des bras : d'ailleurs, en augmentant les produits, on donne lieu à un plus grand nombre de travaux de détail qui exigent de la main d'œuvre et emploient plus de bras qu'on ne pourrait le faire par une fabrication sans mécaniques qui serait forcément moins étendue. La population de Manchester et de Birmingham n'était pas le dixième de ce qu'elle est devenue depuis l'adoption des machines; et, à coup sûr, il y a aujourd'hui plus de personnes employées dans les imprimeries qu'il n'y avait autrefois de copistes. D'ailleurs, il n'est pas au pouvoir d'une nation, qui veut avoir une industrie manufacturière, de ne pas adopter les machines dont on se sert ailleurs : elle ne pourrait ni faire aussi bien, ni vendre au même prix; et, dès lors, elle perdrait sa fabrication : c'est donc aujourd'hui un devoir que de les employer, et l'avantage reste à celui qui a les meilleures.



Quelques inventions et techniques qui ont facilité la vie de tous les jours dans cette première moitié du XIXème siècle.

La filature et le tissage du coton, de la laine, du lin, du chanvre commencent à faire l'objet d'une industrie à part entière. Des machines importées d'Angleterre, améliorées puis fabriquées en France, ont été installées, nombreuses dans le Nord, à Saint-Quentin par exemple, elles sont absentes dans les Pyrénées. Le métier Jacquard se répand. "La filature est aussi parfaite qu'on peut le désirer". On est capable de fabriquer des toiles pour draps de lit de trois aunes et demie de largeur (4,16m). La préparation du lin et du chanvre pour en extraire la fibre, rouissage, teillage et maillotage, exécutée mécaniquement en Angleterre est réalisée en France par des machines encore plus performantes. On évite ainsi des nuisances pour l'environnement et pour la santé, les pertes en matière première sont sensiblement diminuées et le fil obtenu est plus souple.
La filature de la soie utilise des techniques nouvelles qui permettent l'économie de combustible et une couleur du produit fini qui n'est pas terne. Lyon et Paris rivalisent dans la création de tissus nouveaux : tulles de toutes sortes, madras, velours, rubans.
L'horlogerie a beaucoup progressé : les "garde-temps" sont plus précis, moins sensibles aux chocs et à la position. Leur prix a baissé et "l'usage en est devenu général". Les pendules ont de beaux ornements dus au doreur, au fondeur, au ciseleur, au tourneur, à l'émailleur, au vernisseur.
"La France ne connaît pas de rivale pour la bijouterie et l'orfèvrerie : le goût du dessin, la beauté des formes, l'élégance des ornements, l'égalité constante du titre de la matière... La mode qui exerce un empire absolu sur ces produits, surtout sur la bijouterie, ne décourage point nos artistes; ils se plient à ses caprices et provoquent ses fantaisies.".


 La chimie fait progresser les techniques : 



Le blanchiment des fibres et des tissus de chanvre, coton et lin  ne se fait plus en alternant des traitements avec des lessives et des séchages dans les près. On utilise le chlore, appelé alors acide muriatique oxygéné, qui agit plus vite et permet de libérer les prairies consacrées au séchage. Le procédé s'applique aux papiers dont la valeur marchande augmente de ce fait de 15%.
Le linge sale est maintenant blanchi à la vapeur à un coût deux fois moindre avec un résultat bien supérieur.
Les papiers peints fabriqués dans toutes les couleurs, y compris le vert et le bleu qui ne résistaient pas longtemps à l'air, peut maintenant être utilisé par toutes les classes de la société.
La fermentation vineuse a progressé; les nouvelles techniques permettent de corriger par des moyens simples la mauvaise qualité du raisin si la saison a été froide et pluvieuse. Le vin pourra se conserver plus d'une année et s'améliorera en vieillissant.
La distillation des vins faite naguère avec des appareils provenant d'Arabie n'avait guère fait de progrès entre le XIIe siècle et 1750. On retire une plus grande quantité d'eau de vie en une seule chauffe, ce qui est intéressant car la production de vin a augmenté et notre eau de vie devient "un des principaux moyens d'échange avec les autres pays".
La qualité des goudrons du midi de la France utilisés par la marine a une qualité au moins égale à ceux produits dans le nord. Il en résulte un vinaigre de bois cristallisé d'une grande pureté, pouvant dissoudre le fer et, associé à de l'huile, servir de base pour produire des couleurs noires.
L'hydrogène, sous produit de ces distillations est récupéré pour l'éclairage des rues, en particulier en Autriche et en Angleterre.
L'éclairage domestique s'est perfectionné par l'utilisation du verre de lampe qui accroît la vitesse de l'air, ce qui augmente la brillance de la flamme (voir L'habitat).
Le charbon animal est utilisé pour filtrer l'eau dans les grandes villes dont Paris et sert également à purifier le sucre de canne et maintenant de betterave.
Les teintures évoluent : le kermès est remplacé par la cochenille, puis par la garance qui ne craint ni la pluie ni la sueur.
On sait mieux tanner les peaux, leur donner la couleur, le poli, la souplesse qui convient à chaque usage, et les cuirs imperméables à l'eau se trouvent sur le marché. Le n'est plus importé du Levant, on le produit à Choisy sur Seine.
Le traitement des os par l'acide muriatique (= acide chlorhydrique) dilué a remplacé le traitement par ébullition. Il en résulte une gélatine pure à raison de 30 kilos pour 100 kilos d'os, gélatine "qui pourrait être utilisée pour confectionner des rations alimentaires, soupes aux légumes, soupes grasses, pour les malades des hôpitaux".
La stérilisation permettant de conserver les sucs de fruits, les légumes, appelée maintenant appertisation du nom de son inventeur Appert, constitue un grand progrès.
Les chapeliers savent fabriquer un feutre inaltérable.
L'acide sulfurique est fabriqué partout en France avec un rendement augmenté d'un tiers. "Les étrangers sont loin de pareils résultats".
Avec le procédé Leblanc, on obtient de la soude à partir du sel marin, dix fois moins chère qu'auparavant. Les salines qui prolifèrent trouvent là un débouché et emploient une main d'œuvre importante.
D'autres produits sont fabriqués industriellement : l'alun, l'ammoniaque, le sel ammoniac, la céruse, le minium, le cobalt, le chrome, qu'il n'y a plus lieu d'importer.
Le savon est aussi parfait que dans les autres pays et nous ne sommes plus tributaires des Anglais pour la fourniture des savons de toilette qui sont recherchés dans toute l'Europe.
Nous n'importons plus de cymbales et de tam-tam de Constantinople. Des études minutieuses ont permis de constater que l'alliage 80/20 cuivre/étain était, contrairement au fer, plus souple quand il a été trempé. Résultat : leur prix a été divisé par 30.
La production de platine à l'état pur rend possible la fabrication de matériel pour la chimie à moitié prix.
L'industrie métallurgique a beaucoup progressé : les hauts-fourneaux modifiés ont un meilleur rendement, le fer n'est plus cassant à froid et a des caractéristiques constantes. On sait maintenant faire des faux, des faucilles, des limes, des râpes, des cardes, des alênes, des marteaux, des enclumes en acier de qualité comparable aux aciers allemands. Les scies fabriquées par MM. Peugeot Frères sont d'une grande perfection. "La France n'a plus rien à envier aux étrangers pour la fabrication des couteaux, des rasoirs et des instruments de chirurgie". De même pour le fer blanc, la tréfilerie, les vis à bois. La suspension de nos relations avec l'Angleterre nous priva, entre autres, des importations de crayons. M. Conté fut chargé par le gouvernement de suppléer à cette carence, ce qu'il fit en quelques jours.
La chimie fut utilisée pour mettre au point de nouvelles teintes et de nouveaux procédés de teinture.
La porcelaine produite par la Manufacture de Sèvres a un prix élevé fut concurrencée par la porcelaine de Paris, ce qui permit de "mettre la porcelaine à la portée d'un plus grand nombre de consommateurs". La faïence a pu recevoir des décorations inédites et à moindre frais.
La lithographie, dit l'auteur, est à placer "parmi les conquêtes de la chimie". "Les progrès faits à Paris en peu de temps... ont porté l'art à un degré de perfection qui le rend capable des plus beaux résultats".
Le cristal, en particulier celui de Baccarat, est supérieur à celui des anglais quant à la couleur, la pureté, les formes et la taille.
Entre 1789 et 1815, la production de charbon de terre, la houille, a été multipliée par 3,3 du seul fait du développement de l'industrie.


* Chaptal est connu de tous car il est l'inventeur de la chaptalisation, procédé qui consiste à augmenter le degré alcoolique d'un vin en faisant, dans certaines proportions limitées par décret, un apport de sucre à la fermentation : 17 à 18 grammes de sucre par litre de vin apportent 1° d'alcool supplémentaire. Chimiste, industriel, homme politique, Chaptal joua un rôle considérable dans les trente ans qui suivirent la révolution. En effet les coalitions Napoléoniennes ont eu pour effet d'isoler la France, entre autres sur le plan des importations et des exportations :"Tout est à recréer", écrit-il; c'est ce qu'il s'emploiera à faire en appliquant avec bonheur l'alliance entre l'agriculture, la science et l'industrie. Il en résultera des succès notoires comme, par exemple, la préparation à partir de la betterave d'un sucre en tous points identique au sucre de canne que la France ne pouvait plus importer.
Chaptal a établi ses statistiques avec les moyens de l'époque, c'est à dire sans l'apport des mathématiques. Il en résulte certaines conclusions étonnantes qu'il prodigue avec le plus grand sérieux et avec une rigueur apparente, résultats des rapports que lui fournissent les autorités locales et de ses propres opérations arithmétiques; et c'est ainsi qu'il nous apprend que l'agriculture française détient à son service 1 406 671 chevaux, pas un de plus, pas un de moins. On pourra remarquer aussi la place prépondérante qu'il affecte, en chimiste qu'il est, à la chimie. Mais malgré cela, la photographie qu'il prend de la France industrielle avant et 30 ans après la révolution est fort instructive sur les conséquences positives de la révolution : la France a su trouver des substitutions ingénieuses aux carences de l'époque. Tous s'y sont mis, hommes de science, agriculteurs, entrepreneurs, commerçants, artisans et le pays s'est redressé et enrichi.
Il a laissé un ouvrage fondamental sur le relèvement de la France après la révolution : "De l'Industrie Française" 1819-1893, source des informations ci-dessus.

Bonjour !Retour à "Le contexte Haut-Pyrénéen et national en 1819, 1852, 1887 et 1901."
ou cliquez ICI pour connaître les autres attraits de Galan.


Copyright J.-P. Maquaire