Les Baronnies


Les Baronnies sont physiquement à 25 minutes de Galan, mais en fait, elles sont loin de tout tant elles sont singulières, discrètes, intimes. C'est une découverte à faire qui n'est pas toujours facile; il faut y aller, y retourner pour apprécier ses charmes. Il n'y a pas de structure d'accueil bien organisée, pas de stations de ski ou autres, pas de site grandiose. Les Baronnies se tiennent à l'écart du tourisme de masse, une sorte de "réserve" que la civilisation ne polluerait pas, un patrimoine attachant de culture et de traditions. La vie s'y déroule à peu de chose près comme du temps de nos grands-parents.
De Galan, la meilleure route pour y parvenir consiste à traverser La Barthe-de-Neste, puis 6,5 km plus loin prendre à droite la route du Col de Coupe. Ce col qui délimite les Baronnies à l'est assure la liaison avec la Vallée d'Aure. De ses 732 mètres d'altitude, on découvre, comme vues d'avion, les Baronnies : Esparros tout en longueur, Labastide dans un creux. Également depuis le donjon du château de Mauvezin ou depuis la Chapelle des Pèlerins de Cieutat sur la route de Bagnères, la vue sur les Baronnies ne peut vous laisser indifférent. À l'intérieur d'un périmètre bien délimité on observe collines et vallons paisibles, prairies, forêts, 25 clochers que dominent le front audacieux des Pyrénées toutes proches. Les spécialistes (dont Christian Crabot) attribuent l'originalité de ce relief à "des schistes du crétacé finement disséquées en croupes par le réseau dense des petits affluents de l'Arros". Sur chaque colline on peut apercevoir une ferme, un hameau bordé de parcelles exiguës, mosaïque de champs et de prés, et plus bas vers le vallon des bosquets de châtaigniers et de hêtres. Le buis géant qui pullule comme dans la forêt de Gazave toute proche n'est plus exploité par les artisans, on pourrait dire artistes tourneurs. Les châtaignes se perdent et les tistails, ces jolis paniers typiques, sont-ils encore fabriqués ? Les propriétés ont une superficie moyenne de 8 hectares où, au rythme de jadis, on cultive, sur des terrains souvent pentus, le blé, le maïs, la pomme de terre et où on pratique l'élevage de bovins d'ovins et de porcs. Les maisons aux jolies proportions ont belle allure : de la pierre calcaire locale, des toitures d'ardoise avec lucarnes "à la capucine". La montagne calcaire affleure par endroits, elle recèle une multitude de grottes et de gouffres, plus de 350 ont été répertoriés. Il faut visiter le gouffre d'Esparros dont les concrétions de calcite, d'aragonite et les impressionnantes dimensions du site attirent les foules dépaysées et ravies. La grotte de Labastide où on pouvait admirer le fameux cheval - Norbert Casteret y a dénombré une vingtaine d'autres peintures rupestres - datant du magdalénien ne se visite plus, son entrée est curieusement située au fond d'un entonnoir, au bord d'un gouffre d'où émerge une rivière souterraine accompagnée de brume. Les amateurs de préhistoire ont ici un terrain riche en vestiges qui a fait l'objet d'études savantes*. Du Col de Coupe part une route forestière qui monte vers le Col de Couradabat (1023 m.) puis rejoint Arrodets. On traverse là une forêt de toute beauté, sauvage. Les promenades en moyenne montagne vers le Signal de Bassia (1921m), le Casque de Lhéris (1593m) qui dominent les Baronnies au sud se font respectivement à partir de Hèches dans la Vallée d'Aure et d'Asté près de Bagnères de Bigorre. Le paysage est unique, un paradis pour les chasseurs de sangliers, de palombes et d'images. Les pêcheurs sont eux aussi gâtés : l'Arros et ses modestes affluents sont le domaine idéal de la truite; les sentiers qui les longent dans les sous-bois offrent autant de paysages de rêve pour les photographes.
On peut aussi suivre la route bordée de vert sur la carte de droite qui traverse toutes les Baronnies du nord dans leur longueur. À chaque tournant, et il y en a, on découvre un nouveau point de vue. C'est là le charme des Baronnies : la beauté intacte de paysages vestiges du passé. C'est pourquoi on ne peut conseiller tel ou tel site, car dans les Baronnies, tout est joli. On peut laisser sa voiture à un endroit quelconque et se promener au gré des sentiers sans être déçu.
Les habitants ne cherchent pas trop à transformer les lieux en site touristique, quoique le village d'Esparros a longtemps abrité chaque année depuis 1966 et avec un succès international la "Foire aux Célibataires" qui révélait un problème posé par l'exode rural.
Un joli couple des Baronnies.
Extrait du terrier d'Esparros.
Un été sans canicule, l'altitude est comprise entre 400 et 800 mètres, un hiver exempt de rigueurs grâce à cette forme de cuvette qui met les Baronnies à l'abri des vents du nord. Tout pour plaire !
Les amateurs d'histoire pourront s'en donner à cœur joie s'ils parviennent à séduire les employés des Archives Départementales, ce qui n'est pas une mince affaire, et mettre la main sur le terrier illustré de la Communauté d'Esparros. Et peut-être trouveront-ils une réponse à cette question, simple en apparence : qui sont les barons des Baronnies ?
L'apparition du nom de Baronnies n'est apparue qu'au milieu du siècle dernier. Ce terme est un nom commun qui ne désignait pas un territoire géographique. Les historiens* démontent bien le mécanisme de cette déviation sémantique et c'est une occasion d'apprendre l'histoire de cette contrée qui n'est pas simple.

Le CNRS s'intéresse aux Baronnies...
Il est intéressant de connaître l'existence d'une enquête sur les Baronnies commencée en 1974 par l'Institut Pyrénéen d'Études Anthropologiques assisté de l'Université Paul Sabatier de Toulouse, du CNRS et du Collège de France.
Les ambitions de son promoteur Louis Larang étaient imposantes : faire réaliser un film par l'École Normale de Saint-Cloud qui montrerait les difficultés d'une région dépourvue d'industrie, de commerce, d'artisanat, d'agriculture et montrant un état de crise propre au monde rural. En déduire comment ce constat pourrait conduire à un nouvel équilibre plus prometteur. Pourquoi ce dépérissement démographique et économique de cette région, que faire ? L'originalité de l'enquête était la contribution de spécialistes de plusieurs disciplines : biologistes, médecins, sociologues, historiens, économistes, démographes, ayant pour objectif de démêler cet écheveau complexe des causes ayant entraîné cette situation. Outre les organismes cités plus haut, ont participé à l'enquête les équipes suivantes :

- Le Centre Régional de Transfusion Sanguine, d'Hématologie et de génétique humaine du CHU de Purpan,
- Le Centre d'Hémotypologie du CNRS,
- Le Laboratoire d'Anthropologie Sociale du Collège de France et de la 6e section de l'EPHE,
- Le Centre de Recherches Historiques et le Groupe d'Analyse Géographique de la 6e section de l'EPHE,
- Le Centre Départemental de Transfusion Sanguine de Tarbes,
- La Mutualité Sociale Agricole.

La question posée était :

Quelles sont les modalité de ce déclin démographique brutal, quel en est le processus, quelles en sont les causes ? Cette "dynamique négative" va-t-elle aboutir à une disparition totale d'une population traditionnelle ?

La question est complexe, la vie d'une population humaine est fonction de nombreux facteurs interactifs qui sont d'ordre biologique, écologique, culturel, économique ce qui entraîne des études sur le stock génétique, le milieu physique, l'organisation sociale, l'histoire, la psychologie collective, le mode de vie. L'étude minutieuse de l'état actuel doit être complétée par la connaissance de la crise démographique qui affecta les Baronnies depuis le dernier quart du XIXe siècle.
On peut se demander pourquoi cette enquête faisait appel à des organismes spécialisés dans l'étude du sang. La réponse est inattendue pour des non-spécialistes : outre les "facteurs économiques, psychologiques, écologiques, culturels générateurs d'une dynamique négative", il serait intéressant de procéder à une étude hématologique de la population des Baronnies par tanches d'âge. Les résultats ces analyses dont nous ne donnons pas le détail ici n'ont pas été très significatifs car d'une part, ils sont similaires à ceux obtenus chez d'autres populations pyrénéennes : basques, barégeois, habitants du Capcir, et d'autre part les faibles différences constatées entre certains villages seraient dues à des mariages "de voisinage". Les biologistes et médecins auraient-ils été déçus par ces résultats ? D'autres voies de recherches ont été exploitées et cela pendant deux années : étude de la variation de la démographie, études ethnologiques portant sur la parenté, les alliances matrimoniales, la notion de patrimoine foncier, l'incidence possible de faits historiques, l'examen de l'origine des noms de lieu et de personnes, des particularités géographiques. Autant de pôles de recherches qui ont donné lieu à un travail considérable évoqué plus loin qui a abouti à la conclusion très générale suivante : ."l'évolution constatée serait due aux conditions socio-culturelles et à l'organisation sociale de ce groupe humain". Ce qui me paraît être une vérité de La Pallice, on voudrait en savoir plus. Il restait à donner des détails sur ces conditions qui devraient normalement se trouver dans le rapport final de cette étude. Mais ce rapport semble si confidentiel, j'allais dire virtuel, que je n'ai pu encore le dénicher. Fort heureusement ont été édités en 1981 et 1984 deux tomes d'un livre intitulé "Les Baronnies des Pyrénées". Les auteurs sont précisément les enquêteurs qui ont procédé à cette étude dont Rolande Bonnain, Yves Péron et Georges Augustins. L'éditeur est l' "École des Hautes Études en Sciences sociales". La particularité de cet ouvrage est qu'il est à la fois incontestablement très riche et d'une abstraction quelquefois austère pour un non-spécialiste; par exemple page 195, au début du chapitre intitulé "Le pêle-porc dans les Baronnies"** on pourrait s'attendre d'emblée à un récit imagé, descriptif, mais voilà le début du chapitre :

"Nous avons tenté de restituer cette pratique comme un phénomène social global dont on ne peut pas analyser en les séparant arbitrairement, d'une part les aspects liés à la production et à la consommation alimentaires, de l'autre les significations et les représentations sociales plus ou moins ritualisées. De même, il nous a fallu l'inscrire dans le cycle annuel productif et rituel propre aux Baronnies."


Mais quel enthousiasme !
Ce livre est une somme sur les Baronnies, la référence pour quiconque veut en savoir plus sur cette région captivante. C'est évidemment différent du récit d'Arnaud de Pesquidoux (Jean Taillemagre) qui, il est vrai, ne poursuivait pas un but scientifique.

* Voir les travaux de :


Une spécialité des Baronnies : le Porc Noir dit Porc noir Gascon.
L'animal avait quasiment disparu des fermes Bigourdanes. On comptait 30 truies et deux vérats dans la région en 1981. C'était, paraît-il, une nourriture courante des Celtibères.
Voici le portrait chaleureux que la Chambre d'Agriculture des Hautes-Pyrénées fait du porc noir :

Porc noirs, mes amis !
Un charme des Baronnies.
"De taille moyenne, tête longue et mince, à groin noir, ses oreilles sont étroites, portées horizontalement, légèrement inclinées sur les yeux; un corps cylindrique, des fesses bien rebondies, une belle queue longue et épaisse terminée par un bouquet de grosses soies; et pour finir, le pelage noir, avec un épi sur la ligne dorsale, assorti aux pattes et aux onglons, noirs également. Vous l'avez compris, il est beau et original comme un gascon.
De surcroît, et là n'est pas sa moindre qualité, il se révèle extrêmement résistant et rustique. Nous l'élevons en semi-liberté; il est nourri au pâturage, aux céréales de la ferme, ou aux glands et châtaignes, puis abattu a 12 mois. Il dévoile alors toute sa truculence.
Saveurs :
Sa viande persillée et la qualité de son gras donnent une charcuterie très typée à la saveur exceptionnelle. Il fait le bonheur d'un cassoulet aux haricots Tarbais. Son saucisson est incomparable, son confit inoubliable. Goûtez, la saveur fera le reste. Le jambon de Porc Gascon, salé au sel de Salies et séché naturellement, connaît une maturation de 18 mois au moins selon son poids. Servi à l'apéritif ou en entrée, le jambon du Porc Gascon, à l'instar des grands vins, vous procurera un grand moment de convivialité."


Et voici la recette proposée par la Chambre d'Agriculture :
Garbure au confit de Porc Gascon.

Préparation : 30 mn
Cuisson : 2 h environ, de préférence au feu de bois sur un trépied.
Pour 6 personnes : Préparation :
Versez dans un faitout en terre 2 litres d'eau froide, et les pommes de terre nouvelles pelées et coupées en morceaux, porter à ébullition et ajouter le reste des légumes. Saler poivrer ajouter l'ail et les fines herbes; laisser cuire en maintenant l'ébullition, Lorsque l'ensemble est bien cuit, émincez les choux en fines lanières (enlever les côtes les plus grosses), les jeter dans le bouillon, couvrez, et ajoutez quelques minutes plus tard le porc confit, débarrassé de son surplus de graisse puis une cuillerée à soupe de graisse d'oie ou de canard, couvrez, et laissez mijoter ½ heure.
Disposez dans une soupière les tranches de pain rassis finement coupées, y verser le tout, et servir très chaud. La louche doit tenir droite dans le plat, car la soupe est très épaisse. Pour les jours d'hiver bien froids, étaler une fine couche de graisse sur la soupière, la faire f1amber et placer le tout à gratiner au four quelques minutes.

Un plus qui a son importance...

Ce serait une lourde faute de ne pas signaler un restaurant sympathique situé à proximité du Col des Palomières et qui ne ressemble à aucun autre.
J'ai de la gratitude, de la déférence vis à vis de "Loulou", le patron des lieux : il m'a fait découvrir un sanglier aux myrtilles qu'on n'oublie pas si on est quelque peu honnête. Mais je ne suis pas le seul à aimer cet endroit insolite, alors retenez votre table. Dépaysement, accueil chaleureux, vous ne serez pas déçu.

Vive Loulou !


Bouno hammé ! (Bon appétit !)


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