Notre-Dame de Garaison
Sanctuaire Marial
et l'
Accueil du Frère Jean à Galan.


En fait, ces deux établissement ont eu des histoires tellement mêlées, qu'un chapitre commun s'explique.

I. Garaison.

1515...   Voilà une date que tout le monde connaît. C'est peut-être ce qui nous reste de plus précis de nos cours d'histoire.

En effet, c'est la date approximative de la première apparition de la Sainte Vierge à Anglèse, une bergère - comme il se doit - qui habite Garaison.

La troisième apparition.
Bas-relief doré
Anglèse a une dizaine d'année; comme d'habitude elle fait paître ses moutons près de la demeure familiale, elle est assise près d'une source sous une aubépine en fleurs et mange un morceau de pain dur et noir, sa nourriture quotidienne. Soudain apparaît devant elle une dame lumineuse vêtue d'une robe blanche qui lui sourit tendrement :"Ne craignez rien, je suis la Vierge Marie, mère de Dieu. Allez dire au Recteur de Monléon qu'il doit bâtir ici une chapelle, car j'ai choisi ce lieu et j'y répandrai mes dons". Et la vierge disparaît dans les airs.
Anglèse va avertir son père Guilhem de Sagazan qui se rend aussitôt à Monléon chez le Recteur. Celui-ci écoute, un peu sceptique.
Le lendemain, au même endroit, la Vierge réapparaît à Anglèse. Celle-ci lui rend compte de son insuccès. La Vierge renouvelle sa demande, Anglèse va revoir son père qui rencontre le Recteur. Celui-ci est plus attentif mais réclame des preuves. Nouvelle apparition le lendemain, même heure, même lieu. Mais cette fois, Anglèse est accompagnée de membres de sa famille et de voisins. La Vierge sera plus concrète, plus prosaïque, plus réaliste. Si les témoins ne verront rien, ils entendront la Vierge : "Cherchez dans votre panetière, et chez vous dans le coffre du pain". Merveille, c'est donc vrai, le pain noir est maintenant blanc. On s'empresse d'aller voir le coffre à pain des Sagazan : oui, le pain est blanc. Les habitants de Mauléon et des villages voisins sont en liesse, une procession est organisée, une croix est plantée sur les lieux de l'apparition. Un modeste oratoire sera édifié où des foules entières viendront se recueillir et implorer la Vierge. L'eau de la source est miraculeuse : elle guérit ! En 1540 seulement une chapelle digne de ce nom sera construite.
La bergère se retirera dans le couvent cistercien de Fabas à quarante kilomètres de là où tout n'est pas rose : elle demeure novice pendant six ans pour la seule raison que les statuts de l'Abbaye prévoient que seules sont admises aux vœux solennels les jeunes filles qui apportent une dot. On comprend l'embarras de l'Abbesse car cette situation est difficilement acceptable pour une protégée de la Vierge. Mais on finira par trouver un compromis : les Consuls de Monléon, d'accord avec la Mère Abbesse, décident qu'Anglèse "serait faite professe et entretenue aux dépens de la Chapelle" dont ils ont la charge, situation qui ne se concrétisera qu'en 1543. Mais Anglèse ne souffrit nullement de cette frustration; elle fait l'admiration de la communauté et une faveur lui a été concédée, celle de se rendre certains jours à la chapelle de Garaison où elle passe le soir et la nuit en prières. Mais la chose se sait, son arrivée est guettée, on baise sa robe ou en en coupe un morceau pour en faire une relique, cela devient insupportable à l'humilité d'Anglèse qui limitera ses sorties à une seule par an. Elle finira ses jours en 1582 à Fabas. Ses restes seront rapatriés à Garaison en 1958.

Un autre fait extraordinaire survint à Garaison : lors des guerres de religion, en 1590, un calviniste acharné ne trouvant rien à piller à Garaison passe sa rage sur une petite statue de la Vierge, dite Vierge de Pieta sculptée dans du bois. Il fait allumer un grand feu, on y jette la statue. Elle reste deux heures dans le brasier, et la statue récupérée est intacte ! Si le mot "miracle" n'est pas prononcé, on peut dire que cette statue dite miraculeuse est aussi "miraculée".

La Vierge miraculée

La Vierge 'Miraculée' La Vierge 'Miraculée'
Telle qu'on la sortit du feu. Après la restauration de 1958.

Une somptueuse chapelleLa chapelle est splendide, toute vêtue de feuilles d'or, trop rutilantes peut-être pour une modeste bergère. Certes, rien n'est trop beau pour la Sainte Vierge, mais avait-elle cette exigence ?
Avant que Lourdes ne fut connu, Garaison attira une foule de pèlerins notamment au XVIIe siècle venant de la Bigorre, des Quatre-vallées et de tout le sud de la France "depuis trois ou quatre heures de l'après-midi jusqu'à la nuit, on dirait que la foire se doit tenir le lendemain", dit le chroniqueur de l'époque Pierre Geoffroy. Ce fut une manifestation de tourisme religieux qui connaîtra son apogée avec Lourdes.
L'entrée donnant sur la cour d'honneur a belle allure dans son style Renaissance Italienne. Les autres bâtiments sont bien adaptés à la pension qu'est Garaison depuis 1847. Pension réputée pour sa sévérité et qui connut bien des infortunes : en 1903 la Séparation de l'Église et de l'État entraîne une fermeture irrévocable, pendant la guerre de 1914-18 les bâtiments servent de camp de concentration où sont gardés des sujets allemands ou autrichiens parmi lesquels figure un certain Albert Schweitzer. En janvier 1923 les Anciens Élèves se cotisent et rachètent l'ensemble. Les prêtres du voisinage se transforment en vitriers et en maçons pour remettre tout en état de sorte que le collège pourra rouvrir en octobre de la même année. Des prêtres remarquables - comme les pères Point et Laguiole - furent à la tête du collège qui comporte environ 600 élèves.
Dans les abords immédiats une belle et paisible allée de chênes de plusieurs centaines de mètres de long où l'on pouvait voir naguère les prêtres lire leur bréviaire en latin. Ce temps est révolu depuis Vatican II. Les chênes subsistent.

II. Galant.

L'accueil du Frère Jean :
l'œuvre d'un homme étonnant, le "Fou de Dieu".


Né à Bordes en 1830 d'une famille pauvre de tisserands. Tout jeune il est pieux, égrène son chapelet, voue une dévotion à la Sainte Vierge. Il a eu la chance d'être exempté de service militaire car le tirage au sort ne l'a pas désigné. Mais il remplace un voisin malchanceux et fait un service militaire qu'il mettra à profit pour aider les vieillards pendant ses temps libres, mission à laquelle il se consacrera sa vie entière.
Après son service, il entre à Garai son comme Frère Coadjuteur, c'est à dire qu'en principe il aide le Supérieur, un certain Père Peydessus. Mais son rôle est multiple : il sera domestique, cuisinier, sacristain, tailleur, infirmier, et sans faire de bruit, avec humilité et efficacité.
Il se prend à rêver à l'édification d'un hospice destiné à accueillir des vieillards pauvres et abandonnés. Il confie ce secret au Père Peydessus, son supérieur, qui, c'est évident, trouve le projet, quoique beau, assez déraisonnable : la tâche paraît d'une ampleur excessive pour le Frère Jean et puis, qui payera ? Ainsi la position du Père Peydessus vise à décourager le Frère Jean. Mais ce dernier est obstiné : il décide de confier son secret à l'Évêque de Tarbes, Monseigneur Laurence qui se trouve avoir de bonnes relations avec la famille du Frère Jean, ce qui aidera. Monseigneur Laurence écoute attentivement, mais donne une réponse identique à celle du Père Peydessus : "Prier et attendre", telle est sa conclusion.
Frère Jean passe deux ans à attendre et n'y pouvant plus, décide de frapper un grand coup : il ira voir le pape Pie IX en personne. Comme il n'a pas d'argent, il ira à Rome à pied et mendiera pour se nourrir. Le Père Peydessus donne son accord à cette décision pourtant extravagante et Frère Jean part en mars 1858.
La première étape de ce périple est Lourdes qui vient justement de connaître les apparitions de la Vierge dont tout le monde parle. Il veut à tout prix approcher Bernadette, mais il y a foule, y parviendra t-il ? C'est alors qu'une femme qu'il ne connaît pas lui frappe sur l'épaule et lui dit : "Venez voir Bernadette, elle désire vous parler". Il parvient à s'approcher de la jeune fille  : "C'est vous, lui dit-elle, qui voulez fonder un hospice ? "Oui", répond-il interloqué, "Eh bien, voilà un petit sou que je suis heureuse de vous remettre afin de contribuer à votre œuvre". Ce sou restera un symbole source d'encouragements toute la vie du Frère Jean.
Après maintes péripéties, il atteint Rome où il a la chance, tout pouilleux et poussiéreux qu'il est, - mais tout semble lui réussir - d'avoir aussitôt une audience du Saint-Père. Le détail de l'entrevue ne sera pas diffusé sauf le court extrait suivant du Saint-Père à l'adresse du Frère Jean :

"Vous avez un grand courage et une grande foi".

De retour à Garaison, le Frère Jean rend visite à Monseigneur Laurence. Celui-ci ne cache pas son émotion en entendant narrer cette incroyable aventure. Il gomme sa réticence, comme le fera aussitôt le Père Peydessus. Mais la tâche reste compliquée, car il ne suffit pas de recevoir des pauvres, il va falloir les nourrir, les soigner ce qui nécessite de l'argent. Ainsi un défi est lancé au Frère Jean : comment va-t-il s'y prendre ? On va l'envoyer par monts et par vaux et qu'il commence par recueillir l'argent nécessaire.
Deux mois après, le Frère Jean revient à Garaison avec quatre mille francs en poche, de quoi bâtir deux chapelles. La démonstration est faite : il est un quêteur miraculeux. Nouvelle visite à Monseigneur Laurence en compagnie du Père Peydessus. Pour bien montrer que Dieu fera le reste, il sort cent francs de sa poche - c'est tout ce qui lui reste, hormis le sou de Bernadette -  et les remet à l'Évêque. On lui conseille instamment de garder cet argent, il refuse. Mais après un instant de réflexion, il se reprend : "Donnez-moi juste de quoi acheter un âne", ce qui lui permettra d'aller plus vite dans ses tournées. Marché conclu. La cause est gagnée, Monseigneur Laurence, très ému, embrasse son visiteur.
Nous sommes maintenant en 1860, le Frère Jean a quarante ans et accompagné de son ânesse il repart en tournée. Des dons de toutes sortes affluent, de la laine, du blé, du linge, des draps, et où va-t-on entreposer tout cela ? Et où loger les premiers vieillards qui vont commencer à affluer ? Le Père Peydessus, totalement acquis à cette cause, offre au Frère Jean une maison inoccupée qu'il possède à Lannemezan.
Le premier pensionnaire, celui qui inaugure la maison a été découvert par le Frère Jean dans un fossé, endormi et rompu de fatigue. Il le prend sur son dos, le ramène à Lannemezan, le lave, l'épouille et l'installe dans un lit propre. La tâche devient vite plus rude car ils sont maintenant sept qu'il faut soigner, et il faut aussi trouver de l'argent. On peut compter sur l'aide concrète du Père Peydessus : il délègue le Frère Bernard pour seconder le Frère Jean sur place. Un jour où les caisses sont vides, il a l'idée de rassembler les élèves à l'heure de l'étude et demande au Frère Jean de leur parler de ce qu'il fait. C'est un discours tout simple, rien d'une oraison, il raconte ses aventures dans une langue pittoresque et savoureuse, émaillée de patois, il émeut, il convainc et termine en disant : "si vous avez beaucoup, donnez beaucoup, si vous avez peu, donez-le de bon cœur".
Mais le nombre de candidats est tel que Lannemezan devient vite trop petit. Alors, le Père Peydessus à nouveau intervient. Il entend dire qu'une vaste maison ancienne avec un joli jardin est à vendre à Galan, village situé à 8 kilomètres de Garaison dans un paysage souriant. Le père Peydessus est conquis par tant d'avantages et acquiert la maison, en grande partie avec des fonds personnels.
La maison est restaurée, l'intérieur aménagé et le Frère Jean prévoit de rajouter une aile pour loger les femmes, jusqu'alors oubliées, on ne sait pourquoi...
En 1863, les Lannemezannais déménagent pour leur nouveau toit Galanais; certains, assez valides, font le trajet à pied, les plus impotents sont transportés avec le Père Peydessus dans sa carriole. L'arrivée se passe dans des cris de joie, le bâtiment n'a rien d'un hospice tant il est accueillant avec ses fenêtres qui donnent sur le jardin, aucun vis-à-vis si ce n'est le ciel immense.
Inlassable, Frère Jean bâtit une modeste chapelle qu'il fait décorer par le Père Pibou. Encore une réussite. Mais l'accroissement du nombre de pensionnaires pose problème : les deux frères permanents ne suffisent plus à la tâche, d'où l'idée du Frère Jean d'envisager de faire appel à des sœurs particulièrement adaptées pour les travaux ménagers et qui pourraient s'occuper de femmes pensionnaires. Le Père Peydessus s'en entretient avec la Mère Marie de Jésus Crucifié, Supérieure de la Congrégation qu'il a fondée à Lannemezan. Trois sœurs sont détachées à Galan. Mais cela ne suffit encore pas et on manque maintenant de Frères. Frère Jean suggère que soit fondée une congrégation spéciale vouée exclusivement aux soins des vieillards pauvres. La hiérarchie, le Père Peydessus et Monseigneur Laurence, donnent leur accord. Nous sommes en mai 1867.
L'hospice fonctionne correctement avec maintenant soixante-dix pensionnaires, hommes et femmes. Mais un drame survient le 15 août 1877. Frère Jean est ce jour là à Lourdes, une dépêche lui parvient : l'hospice est en flammes. L'incendie a fait de gros dégâts, seule l'aile nord a été épargnée, trois infirmes ont péri. Et cela s'est produit un 15 août..., le miraculeux sou de Bernadette a disparu dans la catastrophe.
Mais Frère Jean n'est pas homme à se décourager. Il trouve le moyen de faire monter quelques baraques provisoires et de l'aide lui parvient de toutes parts. Ce malheur va être exploité : on construira un hospice plus vaste et plus beau. Il repart en tournée pour Narbonne, Béziers, Perpignan et, à son retour, imagine d'émettre une loterie de 5000 billets de 50 centimes. Pour placer ces billets, il étend sa zone d'action : Bordeaux, Paris, Bruxelles, où il visite des industriels, des magistrats, des militaires, des hommes politiques. Il sollicitera même l'anticlérical Gambetta. L'accueil qu'il reçoit est étonnant; il fait partager sa conviction avec son parler simple et chaleureux. Seuls quelques insuccès, par exemple une comtesse lui demande s'il a l'autorisation de quêter. -"Mais, ma chère...", elle lui coupe la parole, -"Parlez-moi plus convenablement", et le fait raccompagner à la porte. À son retour à Galan, une petite déception : il reste quelques billets invendus, mais l'essentiel est acquis, il y en a suffisamment pour reconstruire l'hospice.

Mais Frère Jean en a trop fait, il est fatigué, usé; il s'éteindra le 3 novembre 1884 à 62 ans. L'hospice héberge alors cent vieillards soignés par douze religieuses.
Ce rêve insensé s'est réalisé, le "Fou de Dieu" a gagné !

Actuellement, la capacité d'hébergement est de 80 personnes, qui sont secourues, aidées, soignées par 23 personnes civiles dont 2 infirmières, et 6 aides-soignantes, auxquelles s'ajoutent 1 aumônier (le Père Point) et 9 religieuses. Les subsides sont apportés par certains pensionnaires, s'ils ont quelques moyens, par le Conseil Général et par la DAS.
Les pensionnaires s'accordent à reconnaître l'agrément des lieux avec ce grand jardin bien entretenu, et apprécient la table. Un menu du déjeuner pris au hasard : potage, daube, salsifis, pommes vapeur, poire. Une fois par mois est organisée une petite fête avec chant, théâtre, etc. Oui, la maison est bonne ! Sans oublier le sourire de sœur Bernadette, une préfiguration du Paradis !

[Sources : le Père Point, (voir Figures Galanaises), ancien Supérieur de Garaison, et l'ouvrage de Gaétan Bernoville "De Notre-Dame de Garaison à Notre-Dame de Lourdes, Jean-Louis Peydessus, Apôtre marial de la Bigorre 1807-1882", Grasset Ed.]

De temps à autres un joli carillon égrène l'Ave Maria de Lourdes qui fait partie du paysage. Et dire que L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ose affirmer à l'article "Carillon" : "...c'est toujours une sotte musique que celle des cloches, quand même tous les sons en seraient exactement justes, ce qui n'arrive jamais.". La seule excuse des auteurs de cette affirmation est qu'ils ignoraient "Galan, le Paradis en Bigorre".

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