Les conjurations et incantations populaires

Elles existent dans le pays d'Oc comme partout ailleurs, et depuis toujours. Les historiens comme P. Fagot (Cf. Revue de Pyrénées, 1896, source de cet article) qui se sont penchés sur la question, ont découvert des formules incantatoires datant du VIIIe siècle rédigées en latin décadent. On en trouve au XIVe siècle et davantage aux XVIIe et XVIIIe où elles abondent, faisant partie du langage populaire courant, certaines persistent de nos jours. Le mode utilisé se doit d'être le plus souvent l'impératif, car un ordre est donné à un tiers, à un animal, à une maladie, à un vice, à un mal. La rime est présente dans ce mini-poème à la formulation un peu mystérieuse, naïve, autoritaire, insolite et abrupte, ce qui accroît son impact et son caractère impérieux.


Formules de conjuration contre le mal ou contre l'adversité

Les médecins ne sont pas consultés couramment, ils sont coûteux et souvent bien démunis pour guérir, ou même soigner. On invoque Dieu, ou un saint, ou quiconque.

Devant l'huis du seigneur centurion :
Seigneur centurion, délivre X... de la puissance de la paralysie,
de la puissance de la langueur,
de la puissance de la fièvre,
de la puissance du refroidissement,
des accès de la fièvre quotidienne.

Contre la tumeur et le bubon* noir :
Ainsi soit-il. Bon mal de Jésus-Christ
A moi me le dit Notre-Seigneur Dieu Jésus-Christ,
Je te conjure de la part de Dieu & de messire Saint-Félix
Et par les grâces que répandra Dieu,
Ici ne mets ni branches ni racine,
Meurs, mal, Dieu te le dit.

* Tuméfaction inflammatoire des ganglions lymphatiques, en particulier de l'aine. De bubo=aine en latin.

Contre le mal en général :
Disparais, disparais, mal,
Va-t-en dans ton trou.

Contre le mal de dents :
Grand Saint-Laurent,
J'ai grand mal aux dents,
Je ne puis plus mordre de pain.
- Mange de la soupe, mon enfant.

Contre l'éternuement :
Que Dieu le fasse augmenter
De la hauteur d'une corbeille.
Si ce n'est point assez
De la hauteur d'un paillasson,
Et si c'est trop
de la hauteur d'un sabot.

Contre le hoquet :
Hoquet,
Goulu,
Retourne d'où tu es venu.

J'ai le hoquet,
Dieu le sait.
Dominus,
Je ne l'ai plus.

Hoquet, double hoquet, je t'aurai trois fois.
Et je te donnerai au plus proche de mes voisins.

Pour conjurer la fièvre :
Il faut sortir de chez soi par une porte avec du pain et du sel qu'on porte à un buisson blanc. En arrivant auprès du buisson blanc, il faut ainsi le saluer :
   Adieu, buisson blanc,
   Je te porte du pain & du sel
   Et la fièvre pour demain.
Il faut piquer le pain à une branche fourchue de l'aubépine, jeter sur lui du sel, s'en retourner par un autre chemin que celui de la venue & ne pas rentrer chez soi par la porte qu'on a utilisée pour sortir. S'il n'y a qu'une porte, il faut rentrer par la fenêtre.

Contre les rhumatismes :
Le malade n'a qu'à faire frapper trois coups d'un marteau de moulin par le meunier ou la meunière en disant : In nomine patris, etc.

Contre la grêle.
Le curé entre dans l'église où il veut être seul. Si on regarde par le trou de la serrure, on le voit aller vers l'autel, faire des gestes, puis il parle... Témoignage d'une habitante : "il nous la faisait repartir cette grêle". Ce curé est donc assimilé à un sorcier car il détient un pouvoir secret. (Source : Isaure Gratacos, op. cit.)

Contre la stérilité.
Au matin de la Saint Jean recueillir de la rosée sur la pierre (mégalithe, menhir ou autre pierre vénérée localement) et s'en frotter le ventre. (Source : Isaure Gratacos, op. cit.)


Formules de conjuration contre les animaux.

Contre les chiens qui poursuivent un lièvre :
Pour arrêter les chiens privés de collier quand ils poursuivent un lièvre, il faut se retourner vers l'autel et, sans être vu, en regardant le champ où les chiens chassent le lièvre, faire le signe de croix en disant :
Compagnon Bernard
Je te couperai le nez (trois fois).

Nouveau signe de croix en disant :
Vilain chien
Vilain pendard ! (trois fois)

Troisième signe de croix en léchant la main droite.
Et autant que moi tu en auras !

Contre les rats :
Petit rat, méchant rat,
Tu m'a mangé un sac de blé,
Tu m'as troué douze chemises,
Vingt draps de lit, cinquante torchons.
Va-t'en rat, petit rat,
Va-t'en de cette maison.

Contre le serpent :
Lézard, lézard,
Préserve-moi du serpent,
Quand je reviendrai de la maison,
Je te donnerai un grain de sel.

Contre les chenilles :
Disparais, chenille,
Dehors, dehors,
Et ne revenez pas
Que vous détruisez tout.

Contre les poux des poules :
Mettre un crapaud vivant, ou suspendre soit un crapaud mort, soit un morceau de crapaud dans la cage à poules.

Conjuration pour protéger le troupeau :
Prendre trois morceaux de buis dans trois communes le jour de Carnaval. Pendant qu'on va chercher le buis, on fait cuire un saucisson avec de l'eau dans je pot dont on se sert tous les jours. Tremper les trois buis dans l'eau, en bénir le troupeau et les suspendre dans l'étable.

Conjuration pour soulager un bœuf ou une vache :
Pour empêcher une vache ou un bœuf de s'affaisser lorsqu'ils ont été piqués par la pointe du soc en labourant, vous prenez un poil de la queue de la bête blessée et vous l'attachez au bout du soc.

Contre la peste ou la guerre
Quand vous ouirez chanter la pie
Ou le corbeau à votre main gauche
C'est le signalde peste ou de guerre,
Et quand vous l'ouirez,
À mains jointes, alors vous direz :
Oiseau, Dieu te donne la pâture
Et me donne à moi la bonne aventure.

Contre la grêle
A Saint Gaudens en Haute-Garonne, mettre dans une assiette de l'eau bénite et une hache en fer, le tranchant vers le haut. Si les premiers grêlons se coupent en deux sur la hache, la grêle se transforme pluie (d'après "Les Evangiles du diable" de Claude Seignole, Op. Cit.).

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