Saint-Bertrand de Comminges

Accueil : 05 61 95 44 44. À une ½ heure de Galan, par Montréjeau puis plein sud direction Luchon.

Splendide Saint-Bertrand !

Elle est si belle qu'on l'appelle "La Cathédrale des Pyrénées" alors que son vrai nom est "Cathédrale Sainte-Marie". Il faut dire qu'elle a fière allure, plantée dans ce décor pyrénéen à l'image des monts voisins, sa silhouette dégagée comme certains pics : le Cagire, le Gar, elle domine de ses 515 mètres d'altitude la plaine de la Garonne, commandant les accès vers Luchon et l'Espagne, vers Toulouse et Tarbes.
Impressionnante.
Et pourtant, âgée maintenant de 800 ans, sa vie n'a pas été simple, mais ne nous plaignons pas, cela aurait pu être pire et il y a de beaux restes. Les guerres de religions entraînèrent le pillage de la cathédrale, mais la révolution de 1789 l'oublia.
La richesse artistique de cette cathédrale a fait dire que c'était un abrégé de l'histoire de l'art. En effet trois styles sont présents :
- le Roman : cloître, entrée,
- le Gothique : la nef et les chapelles,
- le style Renaissance : le chœur et les stalles, le sanctuaire et le jubé.

Il y a tant de chose à voir et à apprendre qu'un livre est nécessaire pour tout décrire. Rien ne vaut une visite guidée sur place, surtout si vous aimez l'histoire ou l'architecture. Des documentations bien faites sont à la disposition des visiteurs. Aussi me contenterai-je de faire simplement un parcours de curieux.
On est tout de suite attiré par le cloître d'une grande simplicité, environné de nature : il donne sur les collines boisées de la Barousse; un cadre qui prédispose à la méditation.
L'orgue est étonnant, niché à l'extérieur du chœur dans une encoignure du narthex, monté sur pilotis. Le buffet aux riches sculptures représentant des sujets presque tous païens, exemple les 12 travaux d'Hercule. C'est un instrument doté de 40 jeux aux sonorités remarquables. Le Festival en juillet et août accueille de prestigieux organistes (voir Les Festivals près de Galan). Des concerts de Musique de Chambre sont aussi organisés dans le cadre du Festival.
Suspendu à l'intérieur du clocher à un pilier du porche, vous pourrez découvrir un objet insolite : un crocodile ! Comme il n'est pas toujours évoqué dans les documentations officielles, je cite in extenso le courageux Guide Joanne de 1858 qui raconte cette scène avec sérieux : « Il était caché, dit-on, dans un vallon des Pyrénées, et par ses vagissements attirait les curieux imprudents. Plusieurs fois on avait essayé de le détruire, mais il avait dévoré ses assaillants. Saint-Bertrand, touché du malheur de son peuple, s'avança vers lui sans autre arme que son bâton. Il touche l'animal, pose sur sa tête le bout de son étole, et la dragon le suit comme un agneau jusque sur la place de la Cathédrale, où il expire ». Quelle imagination !
En fait, il semblerait - d'après le Guide des Pyrénées Mystérieuses - que "ce curieux ex-voto ait été rapporté d'Égypte par un croisé du Comminges qui aurait suivi Saint-Louis et le Roi de Navarre, Thibaut de Champagne".

Une visite à la Basilique Saint-Just de Valcabrère au pied de Saint Bertrand s'impose.

C'est une Basilique, car construite sur le modèle romain, et c'est un archétype de l'art roman. L'Eglise fut construite au XIe ou au XIIe siècle avec des pierres provenant de la ville romaine voisine. Elle est donc doublement romaine. Cette récupération est visible un peu partout, en fouillant bien, vous découvrirez beaucoup de "romain" dans le "roman" : fragments de frises, vases, masque de comédie, etc. L'Eglise est ouverte pour les concerts qui ont lieu dans le cadre du Festival, concerts qui connaissent un grand succès du fait de la notoriété et de la qualité des artistes.
St Just de Valcabrère, un bijou.

A quelques pas de là, se trouve la ville romaine Lugdunum Convenarum, Lyon des Convènes. L'histoire s'appuyant sur des fouilles nombreuses dit que cette ville a été fondée il y a 2000 ans et qu'au temps de sa splendeur - la pax romana, Ve siècle après J.-C. - elle comportait près de 10000 habitants. Comme à Rome, on retrouve un Forum avec son Temple de plus de 400m², le Marché couvert de 500m² comportant 26 boutiques, un Théâtre de 2000 places, les Thermes du Forum sur 4000 m² et les Thermes du nord de 3000m² extérieurs au Forum.
Pour que l'illusion soit parfaite, vous pouvez déjeuner au Restaurant Le Lugdunum à Valcabrère (tél.: 05 61 94 52 05) qui propose de l'authentique cuisine romaine antique d'après les recettes d'Apicius : Agneau à la Tarpeius, Poulet numide, etc. Rassurez-vous le menu est en français et on n'y parle le latin qu'exceptionnellement.

Mon menu à la carte, 200 F tout compris :

- Escargots frits, sauce cumin,
- Scorpœna au defructum,
- Trilogie (dessert) : - Dates farcies aux pignons,
- Apothermum,
- Chasselas.
Boisson : Vin merveilleux aux épices.

Tout cela paraît bien compliqué, mais le menu vous est expliqué par le menu, avec patience et gentillesse par Hélène Pedrazzini, l'hôtesse des lieux. On y apprend des tas de choses intéressantes et le repas, insolite, est délicieux.
Un point me parut suspect, pourquoi les cerveaux du CNRS qui veillent à l'orthodoxie de cette table conseillent-t-ils comme vin le gaillac, au demeurant excellent ?
La réponse est simple : des études ont montré que les romains appréciaient l'endroit pour ses vignes et le vin qu'on y produisait. Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle (Livre XIV "Des arbres fruitiers", chapitre III "Des espèces de vignes, selon la nature et la propriétédes lieux ou régions où elles sont.") raconte :
"...il y a un plan qu'on appelle Alexandrin, lequel est petit et ne jette son bois plus d'une coudée de long . Le grain qu'il produit est de la grosseur d'une fêve au dedans duquel on trouve un petit pépin qui est tendre. Son raisin est tortu et fort doux et a une petite feuille ronde qui n'est déchiquettée ni incisée en quelque sorte que ce soit. Au reste depuis sept ans en ça on a esuenté à Albi, ville du Languedoc une sorte de raisin qui fleurit et défleurit en un jour, étant par ce moyen assurée des injures que pourrait lui causer l'intempérature de l'air. Aussi les appelle-t-on raisins du Languedoc et on en a fait si grand état que maintenant par toute la Provence on ne cherche que ce plan pour en peupler tout le pays". Et Albi est à 3 lieues de Gaillac.



Ma petite incursion indiscrète
dans la vie de Saint Bertrand,

ou les miracles "à l'envers".

[Source : "Au très illustre et glorieux Saint-Bertrand, Évêque & patron de l'Église de Comminges".
"Relation de la translation d'une relique de Saint Bertrand".
Auteur : le Sieur de Lastrade, Prêtre & Prébendé* de la Cathédrale de Comminges].
* Prébendé, qui reçoit une prébende, qui est un revenu fixe accordé à un ecclésiastique et, en particulier, à tout dignitaire d'une cathédrale (Dic. Le Robert).

Dans l'Avertissement, l'auteur nous rassure :…tout ce que vous trouverez ici est certain. Si j'avais voulu rapporter lezs faits et les merveilles qu'on publie dans le pays & qu'on se transmet confusément de père en fils, sans autre fondement que pour l'avoir entendu dire, j'aurais eu de quoi grossir raisonnablement cet ouvrage; mais y aurait-il eu de la vérité, de la solidité & de la vraisemblance ?
Donc, en ouvrant le livre, nous sommes en confiance; ce n'est pas Parole d'Évangile, mais presque...

La définition des miracles d'après l'auteur : "...Ils ne sont autre chose que des effets surnaturels que Dieu produit par sa vertu pour la manifestation de sa puissance, ou pour l'affermissement de sa religion quand il les juge nécessaires".
Nous sommes loin de la définition de Furetière : "Ce qui est extrêmement beau et estimable".

Le premier miracle de Saint Bertrand :
"Un Diacre travaillant à la conversion d'une femme de mauvaise vie, se laissa prendre par ses attraits, au grand scandale de tout le peuple; mais ayant reconnu sa faute et avoué humblement son crime, il fut reçu à pénitence et absous par notre Saint. Cette malheureuse refusant de profiter de sa bénignité, méprisa au contraire ses avertissements; c'est pourquoi en punition de son endurcissement elle fut livrée à Sathan, qui s'étant d'abord saisi d'elle la tourmenta en différentes manières et expira en présence de tout le monde".
Effectivement, Dieu, en accord avec la définition du miracle ci-dessus, manifeste ici sa puissance, mais curieusement, il facilite le travail de satan, son grand concurrent, auquel il livre la femme maudite, ce qui ne paraît ni extrêmement beau, ni estimable !

Le second miracle de Saint Bertrand :
Les habitants d'une ou plusieurs vallées du Diocèse de Tarbes avaient pillé, vexé, et opprimé leur voisins; Saint Bertrand y alla pour y prêcher et les exhorta à réparer les dommages causés à leur frères, ce qu'ils refusèrent de faire; au contraire ajoutant à leur crime, ils se moquèrent de ses discours et le traitèrent ignominieusement, jusqu'à coupet la queue de sa mule. Le saint ne pouvant plus différer la correction de ces séditieux, et usant de sa dignité dont il était revêtu en qualité de Nonce Apostolique, jetta l'interdit dans tout leur pays. Dans ce moment le ciel devint d'airain et la terre de fer, les animaux ne produisirent aucun fruit pendant cinq ans, rien ne prospéra sur la terre. Ces misérables, reconnaissant leur faute, furent se jetter aux pieds du Saint qui, se laissant flêchir par leurs larmes, apaisa la colère de Dieu par ses prières et remis leur pays dans le premier état. De là est venu le tribut qu'ils se sont imposés par reconnaissance en forme de vœu, de donner au Chapitre régulièrement chaque année tout le burre* qu'on y avait fait pendant une semaine. On y envoie des députés pour le recevoir à l'offrande de la Messe le jour de la Pentecôte et ils sont si exacts que si on manquait d'y envoyer, ils sommeraient d'avoir à observer l'usage dans la crainte où ils sont d'encourir les disgrâces du Saint, ou de s'attirer du Ciel quelqu'autre semblable malheur.
*burre, probablement la bure, le tissu grossier de laine.
Pas commode, Saint Bertrand...

Enfin un vrai Miracle !
Une femme de distinction étant possédée du démon et agitée de plusieurs convulsions fut guérie par l'aspersion de l'eau bénite que le Saint fit à la Messe.

Un dernier et curieux "miracle" :
Un homme riche avait usurpé une partie du Cimetière pour bâtir sa maison, refusant de restituer, quelque raison qu'on lui alléguât, il fut atteint d'une maladie languissante dont il ne revient jamais.

Le livre ne mentionne pas le "miracle" du crocodile évoqué plus haut.

A découvrir : quatre autres "miracles" dépeints sur les petites faces nord et sud du mausolée de St-Bertrand.

Mais rassurons-nous, Saint Bertrand était un saint homme, "...il remplisait la province du bruit de ses vertus... la dignité dont il était revêtu, si vénérée alors, et plus encore la haute réputation de sainteté dont il jouissait au loin, y attirèrent les foules des habitants dont sa charité nourissait le plus grand nombre" (Jean-Justin Monlezun, Histoire de Gascogne, Auch 1846).

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