Le Château-fort de Mauvezin

65130 Mauvezin
Tél.: 05 62 39 10 27


Le château fort Voilà un château fort typique comme on en imagine en classe d'histoire. Qui n'a pas rêvé de donjon, d'échauguette, de pont-levis, d'armures, de cachot, de créneau, de chemin de ronde, d'huile bouillante. Vous trouverez tout cela ou presque, ici en vraie grandeur. Ce rêve devient réalité et le rêve s'amplifiera : transporté au cœur du Moyen-Âge, dès l'abord du Château vous ressentirez l'effet de cette imposante tour à vous couper le souffle; et cette impression de puissance ira en s'amplifiant tout au long de votre périple. C'est pourquoi, même si vous êtes indifférent à l'histoire qui, sur les bancs de l'école, ne vous a pas toujours intéressé - mais les professeurs d'histoire devraient raconter des histoires de l'Histoire, c'est ce qu'a fait avec bonheur Pierre Gaxotte qui écrivit "L'Histoire des Français" plutôt qu'une Histoire de France - allez-y, vous ne serez pas déçu. Filtrez à votre guise s'ils vous ennuient les propos au demeurant érudits du guide : constructions, destructions se succèdent du IIe millénaire avant Jésus-Christ, eh oui !, jusqu'à Gaston Fèbus au XIVème siècle, etc. Laissez-vous envoûter par ce décor. Du haut du donjon le coup d'œil sur le piémont et sur Les Baronnies est splendide; le Guide Joanne de 1858, ancêtre du Guide Bleu, écrit : « Il est, dans les Pyrénées, peu de points de vue qui s'étendent aussi loin. D'un côté, le regard n'est arrêté que par la chaîne des montagnes; de l'autre, il embrasse la vaste et belle plaine de l'Arros ». On a peine à croire que ce havre de paix, en pleine nature aimable, fut un temple de guerre. Mais, dit-on, le site est un choix stratégique idéal, au croisement de la Ténarèze des Romains reliant la Loire à Alicante et de la voie romaine reliant Saint-Bertrand-de-Comminges à Dax.
Et si vous aimez l'histoire, le lieu vous séduira. Il est considéré par les historiens comme un élément important de la Guerre de Cent Ans dans le sud de la France.
Quelques faits : en 1373 le Duc d'Anjou à la tête de 3000 hommes fait le siège du Château occupé par les anglais qui résistent sous la conduite de leur chef Raimounet de l'Épée pendant six semaines. Le manque d'eau dû à l'absence de pluies entraîna leur reddition. L'écrivain-historien de l'époque, Jean Froissard, que Paul Guth appelle "le premier de nos reporters", fait dans ses "Chroniques" la narration de cet épisode avec un style coloré et vivant. Il rapporte ainsi le détail des tractations entre les deux chefs :

"Le capitaine était pour lors un écuyer gascon qui s'appelait Raimounet de l'Espée, appert homme d'armes, durement. Tous les matins, y avait aux barrières du chastel escarmouches et faits d'armes, et appertises grandes, et beaux lancis de lances, et poussis, et faites courses et envahies des compagnons qui désiraient avancer.
Environ six semaines dura le siège devant le château de Mauvoisin. Et vous dit que ceux de Mauvoisin se fussent assez tenus, car le chastel n'est pas tenable, si ce n'est par long siège. Mais il leur avint que on ne leur tollit d'une part l'eau d'un puits qui sied au dehors du chastel, et les citernes qu'ils avaient là dedans séchèrent, car oncques goutte d'eau du ciel durant six semaines n'y chéy, tant fit chaud et sec. Et ceux de l'ost avaient bien leur aise de la belle rivière de Lèze, qui leur coulait claire et roide, et dont ils étaient servis, eux et leurs chevaux.
Quand les compagnons de la garnison de Mauvoisin se trouvèrent en ce parti, si se commencèrent à esbahir; car ils ne pouvaient longtemps durer; des vins avaient-ils assez, mais la douce eau leur manquait. Ils eurent conseil ensemble entre eux, que ils traiteraient devant le duc, ainsi qu'ils firent, et impétra Raimounet de l'Espée, leur capitaine, un sauf-conduit pour venir en l'ost parler au duc. Il l'ot assez légèrement, et vint parler au duc et dit :
  - « Monseigneur, si vous voulez nous faire bonne compagnie à mes compagnons et à moi, je vous rendrai le chastel de Mauvezin.
  - « Quelle compagnie, répondit le duc, voulez-vous que je vous fasse ? Partez-vous-en, et allez votre chemin, chacun en son pays, sans vous bouter en fort qui nous soit contraire. Car si vous vous y boutez et que je vous tienne, je vous délivrerai à Josselin [le bourreau], qui vous fera vos barbes sans razouer.
  - « Monseigneur, dit Raimounet, si il en est ainsi que nous nous partions et retraions en nos lieux, il nous en faut porter ce qui est nôtre, car nous l'avons gagné par armes et peine et en grande aventure ».
Le Duc pensa un petit, puis répondit et dit :
  - « je veuil bien que vous emportiez que porter en pouvez devant vous en malles et en sommiers, et non autrement; car si vous tenez nuls prisonniers, ils nous seront rendus.
  - « Je le veux bien » dit Raimounet.
Ainsi se porta leur traité; et se départirent tous ceux qui dedans étaient, et rendirent le chastel au duc d'Anjou, et emportèrent ce que devant eux porter en purent; et s'en alla chacun en son lieu, ou autre part, querre son mieux. ».


En fait, "ce qui est nôtre", ajoute le narrateur, était le résultat de rançons des marchands de Catalogne et de France.
Et les faits d'armes se succèdent. Le Château est donné par le Roi Charles V le Sage au Compte d'Armagnac en 1373. Ce dernier le cède à Gaston Fèbus en 1380 qui en fait le point stratégique pour la surveillance de ses états.

Plus poétique est la devise chevaleresque gravée dans la pierre de la dalle héraldique : "I AI BEL - LE DAME (J'ai belle Dame)". L'auteur en est Jean de Grailly, comte de Foix, de Bigorre et de Béarn, d'une ancienne famille bordelaise : il "collabora" -  au sens moderne du terme -  avec les anglais et habita alors le Château qu'il transforma pour le rendre habitable en perçant notamment quatre ouvertures. Il eut maille à partir avec le Roi qui l'enferma à la prison du Temple à Paris où il mourut.
Vous trouverez sur place une bibliothèque que vous pourrez consulter avec l'aide de personnes accueillantes et compétentes. A signaler aussi des expositions, permanentes et temporaires, ainsi qu'un musée montrant les découvertes dues aux fouilles.

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